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Ce fut Lupin qui répondit :

— Je vous prie de remarquer, maître, que mademoiselle ne vient pas de son plein gré. Je lui serre le poignet avec une énergie semblable à celle que vous déployez à mon égard.

— Et pourquoi ?

— Comment ! mais je tiens absolument à la présenter aussi. Son rôle dans l’histoire de la lampe juive est encore plus important que le mien. Complice d’Arsène Lupin, complice de Bresson, elle devra également raconter l’aventure de la baronne d’Imblevalle — ce qui intéressera prodigieusement la justice… Et vous aurez de la sorte poussé votre bienfaisante intervention jusqu’à ses dernières limites, généreux Sholmès.

L’Anglais avait lâché le poignet de son prisonnier. Lupin libéra mademoiselle.

Ils restèrent quelques secondes, immobiles les uns en face des autres. Puis Sholmès regagna son banc et s’assit. Lupin et la jeune fille reprirent leurs places.

Un long silence les divisa. Et Lupin dit :

— Voyez-vous, maître, quoi que nous fassions, nous ne serons jamais du même bord. Vous êtes d’un côté du fossé, moi de l’autre. On peut se saluer, se tendre la main, converser un moment, mais le fossé est toujours là. Toujours vous serez Herlock Sholmès, détective, et moi Arsène Lupin, cambrioleur. Et toujours Herlock Sholmès obéira, plus ou moins spontanément, avec plus ou moins d’à-propos, à son instinct de détective, qui est de s’acharner après le cambrioleur et de le « fourrer dedans » si possible. Et toujours Arsène Lupin sera conséquent avec son âme de cambrioleur en évitant la poigne du détective, et en se moquant de lui si faire se peut. Et cette fois, faire se peut ! Ah ! ah ! ah !

Il éclata de rire, un rire narquois, cruel et détestable…