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Ils causèrent donc, en adversaires courtois qui ont déposé leurs armes et qui s’estiment à leur juste valeur.

Sur la demande de Sholmès, Lupin raconta son évasion.

— Si tant est, dit-il, que l’on puisse appeler cela une évasion. Ce fut si simple ! Mes amis veillaient, puisqu’on s’était donné rendez-vous pour repêcher la lampe juive. Aussi, après être resté une bonne demi-heure sous la coque renversée de la barque, j’ai profité d’un instant où Folenfant et ses hommes cherchaient mon cadavre le long des rives, et je suis remonté sur l’épave. Mes amis n’ont eu qu’à me cueillir au passage dans leur canot automobile, et à filer sous l’œil ahuri des cinq cents curieux, de Ganimard et de Folenfant.

— Très joli ! s’écria Sholmès…, tout à fait réussi !… Et maintenant vous avez affaire en Angleterre ?

— Oui, quelques règlements de comptes… Mais j’oubliais… M. d’Imblevalle ?

— Il sait tout.

— Ah ! mon cher maître, que vous avais-je dit ? Le mal est irréparable maintenant. N’eût-il pas mieux valu me laisser agir à ma guise ? Encore un jour ou deux, et je reprenais à Bresson la lampe juive et les bibelots, je les renvoyais aux d’Imblevalle, et ces deux braves gens eussent achevé de vivre paisiblement l’un auprès de l’autre. Au lieu de cela…

— Au lieu de cela, ricana Sholmès, j’ai brouillé les cartes et porté la discorde au sein d’une famille que vous protégiez.

— Mon Dieu, oui, que je protégeais ! Est-il indispensable de toujours voler, duper et faire le mal ?

— Alors vous faites le bien aussi ?

— Quand j’ai le temps. Et puis ça m’amuse. Je trouve extrêmement drôle que, dans l’aventure qui nous occupe, je sois le bon génie qui secoure et qui sauve, et vous le mauvais génie qui apporte le désespoir et les larmes.