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— Bravo ?… Et pourquoi ?

— Comment, pourquoi ? Vous me voyez réapparaître devant vous, comme un fantôme, après avoir assisté à mon plongeon dans la Seine — et par orgueil, par un miracle d’orgueil que je qualifierai de tout britannique, vous n’avez pas un mouvement de stupeur, pas un mot de surprise ! Ma foi, je le répète, bravo, c’est admirable !

— Ce n’est pas admirable. À votre façon de tomber de la barque, j’ai fort bien vu que vous tombiez volontairement et que vous n’étiez pas atteint par la balle du brigadier.

— Et vous êtes parti sans savoir ce que je devenais ?

— Ce que vous deveniez ? je le savais. Cinq cents personnes commandaient les deux rives sur un espace d’un kilomètre. Du moment que vous échappiez à la mort, votre capture était certaine.

— Pourtant, me voici.

— Monsieur Lupin, il y a deux hommes au monde de qui rien ne peut m’étonner : moi d’abord et vous ensuite.

La paix était conclue.

Si Sholmès n’avait point réussi dans ses entreprises contre Arsène Lupin, si Lupin demeurait l’ennemi exceptionnel qu’il fallait définitivement renoncer à saisir, si au cours des engagements il conservait toujours la supériorité, l’Anglais n’en avait pas moins, par sa ténacité formidable, retrouvé la lampe juive comme il avait retrouvé le diamant bleu. Peut-être cette fois le résultat était-il moins brillant, surtout au point de vue du public, puisque Sholmès était obligé de taire les circonstances dans lesquelles la lampe juive avait été découverte, et de proclamer qu’il ignorait le nom du coupable. Mais d’homme à homme, de Lupin à Sholmès, de policier à cambrioleur, il n’y avait en toute équité ni vainqueur ni vaincu. Chacun d’eux pouvait prétendre à d’égales victoires.