Page:Leblanc - Arsène Lupin contre Herlock Sholmes, 1908.djvu/285

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cependant, plus intrépides, se promenaient sur le pont ou bien sommeillaient au fond de larges rocking-chairs et sous d’épaisses couvertures. On voyait çà et là des lueurs de cigares, et l’on entendait, mêlé au souffle doux de la brise, le murmure de voix qui n’osaient s’élever dans le grand silence solennel.

Un des passagers, qui déambulait d’un pas régulier le long des bastingages, s’arrêta près d’une personne étendue sur un banc, l’examina, et, comme cette personne remuait un peu, il lui dit :

— Je croyais que vous dormiez, Mademoiselle Alice.

— Non, non, monsieur Sholmès, je n’ai pas envie de dormir. Je réfléchis.

— À quoi ? Est-ce indiscret de vous le demander ?

— Je pensais à Mme d’Imblevalle. Elle doit être si triste ! Sa vie est perdue.

— Mais non, mais non, dit-il vivement. Son erreur n’est pas de celles qu’on ne pardonne pas. M. d’Imblevalle oubliera cette défaillance. Déjà, quand nous sommes partis, il la regardait moins durement.

— Peut-être… mais l’oubli sera long… et elle souffre.

— Et vous êtes malheureuse de la quitter ?

— Très malheureuse. Je n’ai ni parents, ni amis… je n’avais qu’elle.

— Vous aurez des amis, dit l’Anglais, que ce chagrin bouleversait, je vous en fais la promesse… j’ai des relations… beaucoup d’influence… je vous assure que vous ne regretterez pas votre situation.