Page:Leblanc - Arsène Lupin contre Herlock Sholmes, 1908.djvu/261

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pêchait attentivement, tandis que le bouchon de sa ligne flottait au fil de l’eau.

Il s’écoula bien une minute, une minute de solennel et terrible silence.

— Est-ce lui ? pensait Sholmès avec une anxiété presque douloureuse.

Et la vérité l’éclairant :

— C’est lui ! c’est lui ! lui seul est capable de rester ainsi sans un frémissement d’inquiétude, sans rien craindre de ce qui va se passer… Et quel autre saurait cette histoire de l’album ? Alice l’a prévenu par son messager.

Tout à coup, l’Anglais sentit que sa main, que sa propre main avait saisi la crosse de son revolver, et que ses yeux se fixaient sur le dos de l’individu, un peu au-dessous de la nuque. Un geste, et tout le drame se dénouait, la vie de l’étrange aventurier se terminait misérablement.

Le pêcheur ne bougea pas.

Sholmès serra nerveusement son arme avec l’envie farouche de tirer et d’en finir, et l’horreur en même temps d’un acte qui déplaisait à sa nature. La mort était certaine. Ce serait fini.

— Ah ! pensa-t-il, qu’il se lève, qu’il se défende… sinon, tant pis pour lui… Une seconde encore… et je tire…

Mais un bruit de pas lui ayant fait tourner la tête, il avisa Ganimard qui s’en venait en compagnie des inspecteurs.

Alors, changeant d’idée, il prit son élan, d’un bond sauta dans la barque dont l’amarre se cassa sous la poussée trop forte, tomba sur l’homme et l’étreignit à bras-le-corps. Ils roulèrent tous deux au fond du bateau.

— Et après ? s’écria Lupin, tout en se débattant, qu’est-ce que cela prouve ?