Page:Leblanc - Arsène Lupin contre Herlock Sholmes, 1908.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chose terrifiante, il se rendait subitement compte qu’il y avait des semaines qu’elle n’était pas là ! Depuis des semaines, il ne l’apercevait plus devant lui aux heures où il corrigeait les devoirs de ses élèves !

Un bruit de pas sur le gravier du jardin… Il appela :

— Suzanne ! Suzanne !

Elle arrivait de course. Elle monta précipitamment. Il bégaya d’une voix étranglée :

— Suzanne… la boîte… la boîte d’enveloppes ?…

— Laquelle ?

— Celle du Louvre… que j’avais rapportée un jeudi… et qui était au bout de cette table.

— Mais rappelle-toi, père… c’est ensemble que nous l’avons rangée…

— Quand ?

— Le soir… tu sais… la veille du jour…

— Mais où ?… réponds… tu me fais mourir…

— Où ?… dans le secrétaire.

— Dans le secrétaire qui a été volé ?

— Oui.

— Dans le secrétaire qui a été volé !

Il répéta ces mots tout bas, avec une sorte d’épouvante. Puis il lui saisit la main, et d’un ton plus bas encore :

— Elle contenait un million, ma fille…

— Ah ! père, pourquoi ne me l’as-tu pas dit ? murmura-t-elle naïvement.

— Un million ! reprit-il, c’était le numéro gagnant des bons de la Presse.

L’énormité du désastre les écrasait, et longtemps ils gardèrent un silence qu’ils n’avaient pas le courage de rompre.