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ARMELLE ET CLAUDE

l’autre soir, ni surtout pourquoi vous vous en êtes méfiée.

— Vous n’étiez pas le premier à me le dire, répondit Armelle, et non plus le premier que j’aie soupçonné de n’y pas croire.

— N’y pas croire, murmura-t-il, le sais-je moi-même ? J’y ai tellement cru ! Oui, ce fut si longtemps le principe même de ma vie, cette croyance à l’amour exclusif et autoritaire. Tout amour nouveau entraînait un bouleversement total de mon existence, ma rupture avec le passé, un isolement absolu coupé des seules visites de ma maîtresse, le partage intégral de ses plaisirs et de ses occupations, le sacrifice immédiat de tout ce qui lui portait ombrage.

— Et vous étiez satisfait de vivre ainsi ? demanda-t-elle d’un ton qui n’était pas exempt de pitié et de mépris.

Claude ne s’en froissa pas.

— Hélas ! faut-il même avouer que je dois mes plus belles heures à cette conception de l’amour ? Cela suscitait en nous l’ivresse que doivent éprouver deux prison-