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Elle n’en est pas quitte au moins pour un écu,
J’ai mis par quatre fois la pinte sur le cu,
Et sans doute qu’aprés cette débauche insigne,
Troublé de la vapeur du doux jus de le vigne,
Le bon Pére Bachus en ce lieu m’a conduit,
Et m’a fait sommeiller ainsi jusqu’à la nuit.
Il n’en faut point douter, un mal de tête horrible
Est de ces verités la preuve trop sensible ;
J’ai le palais bien sec, le gosier enflâmé,
Et me voilà du moins pour deux jours enrumé.
Ce n’est pas tout : mon maître est un dangereux homme.
Il s’en faudra bien peu tantôt qu’il ne m’assomme,
Je vai sentir pleuvoir une grêle de coups,
Avecque Philidie il a pris rendez-vous,
Je l’y devois attendre, & demain, que je pense,
Du bon tems d’aujourd’hui je ferai penitence,
Et possible qu’aprés m’avoir bien outragé,
Il pourra sans argent me donner mon congé.
Au Diable soit l’Amour ; mais ou j’ai la berluë,
Ou dans l’obscurité je remets cette ruë,
Philidie y demeure, & voilà sa maison,
J’y voi de la lumiere, ou je süis sans raison :
Possible que la belle attent encor mon maître,
Je voudrois bien sçavoir quelle heure il pourroit être :
Mais je me trompe fort ou quelqu’un vient ici,
Qui rendra sur ce point mon esprit éclairci.


Scène II


ISABELLE, ÉLISE, PHILIPIN.

ISABELLE.

ÉLise, tu m’apprens une étrange nouvelle,
Alonce m’abandonne, Alonce est infidelle,
Et quand pour moi l’ingrat doit être plus atteint,
Sa chaîne vient à rompre, & sa flâme s’éteint.
Pourroit-il bien commettre une action si noire,
Aprés tant de sermens ? non, je ne le puis croire