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core une fois pour profiter des périlleuses conjectures où ils étaient, et pour les amener tous, s’il était possible, à des sentimens avoués par la religion. Sur cela je pris le parti de les aller chercher. Le voyage avait ses difficultés et ses périls, outre sa longueur ; il me fallut passer au voisinage de la tranchée, où un soldat occupé à admirer le prodigieux effet d’un boulet de canon sur un arbre, fut bientôt lui-même, à quelques pas de moi, la victime de son indiscrétion. En fesant ma route, je vous avouerai que je fus frappé de l’air dont se portaient les français et les canadiens aux travaux pénibles et hasardeux auxquels on les occupait. À voir la joie avec laquelle ils transportaient à la tranchée les fascines et les gabions, vous les auriez pris pour des gens invulnérables au feu vif et continuel de l’ennemi. Une pareille conduite annonce bien de la bravoure et bien de l’amour pour la patrie ; aussi est-ce là le caractère de la nation. Je parcourus tous les quartiers, sans rien trouver que quelques pelotons d’Abnakis dispersés çà et là ; de sorte que je fus de retour de ma course, sans avoir d’autre mérite que celui de la bonne volonté. Ainsi éloigné de mes gens, je ne pus guères leur être de grande utilité ; mais mes services y furent du moins de quelque usage en faveur d’un prisonnier Moraigan dont la nation est dans les intérêts, et presque totalement sous la domination de l’Angleterre. C’était un homme dont la figure n’avait assurément rien de revenant et de gracieux. Une tête énorme