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mouvemens qui s’étaient faits sur le rivage ; touché de cette commisération si naturelle à un honnête homme à la vue des malheureux, il tâcha de la faire passer dans le cœur des Outaouacks, maîtres des prisonniers ; il mania si adroitement leurs esprits, qu’il vint à bout de les rendre sensibles, et de les intéresser en faveur de la cause des misérables. Ils s’y portèrent avec un zèle qui ne pouvait qu’infailliblement réussir. À peine la berge fut-elle assez près du rivage, pour que la voix pût y porter, qu’un Outaouack, prenant fièrement la parole, s’écria d’un ton menaçant : Ces prisonniers sont a moi ; je prétends qu’on me respecte, en respectant ce qui m’appartient ; trêve d’un mauvais traitement dont tout l’odieux rejaillirait sur ma tête. Cent officiers français auraient parlé sur le même ton, que leurs discours n’auraient abouti qu’à leur attirer à eux des mépris, et à leurs captifs des redoublemens de coups ; mais un sauvage craint son semblable, et ne craint que lui : leurs moindres disputes vont à la mort ; aussi n’en viennent-ils guères là. Les volontés de l’Outaouack furent donc aussitôt respectées que notifiées : les prisonniers furent débarqués, sans tumulte et conduits au fort, sans même que la moindre huée les y accompagnât. Ils furent d’abord séparés ; ils subirent l’interrogatoire, où il ne fut pas nécessaire d’user d’artifices, pour en tirer les éclaircissentens qu’on souhaitait. La frayeur dont ils n’étaient pas trop bien revenus leur déliait la langue, et