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histoire du vizir noureddine…
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travers et lui dit : « Malheur ! serait-ce toi qui aurais perverti cet enfant ? Comment as-tu osé le faire entrer dans la boutique des cuisiniers et des pâtissiers ! » À ces paroles de la grand’mère d’Agib, l’eunuque fut très effrayé et se hâta de nier énergiquement la chose. Il dit : « Nous ne sommes point entré dans la boutique ; nous n’avons fait que passer devant ! » Mais l’entêté Agib s’écria : « Par Allah nous y sommes fort bien entrés et nous y avons mangé ! » Et il ajouta malicieusement : « Et je te le répète, grand’mère, c’était bien meilleur que ce que tu nous offres là ! »

Alors grand’mère fut encore plus dépitée, et alla en maugréant informer son beau-frère le vizir du « terrible délit de l’eunuque de goudron ! » Et elle excita tellement le vizir contre l’esclave, que Chamseddine, qui de sa nature était fort colère et qui volontiers se déversait en cris sur les gens, se hâta de se rendre avec sa belle-sœur sous la tente où se trouvaient Agib et l’eunuque. Et il s’écria : « Saïd ! Es-tu entré, oui ou non, avec Agib, dans la boutique d’un pâtissier ? » Et l’eunuque terrifié répondit : « Nous n’y sommes point entrés ! » Mais le malicieux Agib s’écria : « Mais si ! nous y sommes entrés ! Et quant à ce que nous y avons mangé, haha !… grand’mère !… c’était si bon que nous nous en sommes fourré jusque-là ! et ensuite nous avons bu un sorbet délicieux à la neige hachée ! Allah ! que c’était bon ! Et le brave pâtissier n’y avait pas ménagé le sucre, comme grand’mère ! » Alors la colère du vizir redoubla contre l’eunuque auquel la même question fut réitérée ; mais l’eunu-