Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 1, trad Mardrus, 1918.djvu/274

Cette page a été validée par deux contributeurs.
246
les mille nuits et une nuit

Et Giafar sortit en pleurant, et en se disant : « D’où vais-je pouvoir l’amener en sa présence ? De même que c’est par hasard qu’une cruche qui tombe ne se casse pas, de même, moi, c’est par hasard que j’ai échappé à la mort la première fois. Mais maintenant ?… Pourtant, Celui qui a voulu me sauver la première fois, s’il le veut me sauvera encore la seconde fois ! Quant à moi, par Allah ! je vais m’enfermer dans ma maison, sans bouger, ces trois jours de délai. Car à quoi bon faire des recherches vaines ? Et je me fie à la volonté du Juste Très-Haut ! »

Et, en effet, Giafar ne bougea pas de sa maison durant les trois jours du délai. Et, le quatrième jour, il fit venir le kadi, et fit son testament devant lui ; et il fit ses adieux à ses enfants en pleurant. Puis vint l’envoyé du khalifat qui lui dit que le khalifat était toujours disposé à le tuer si le nègre n’était pas trouvé. Et Giafar pleura encore davantage, et ses enfants pleurèrent avec lui. Puis il prit la plus jeune de ses filles pour l’embrasser une dernière fois, vu qu’il l’aimait plus que tous ses enfants ; et il la serra contre sa poitrine, et versa d’abondantes larmes en pensant qu’il était obligé de l’abandonner. Mais soudain, comme il la pressait contre lui, il sentit quelque chose de rond dans la poche de la fillette, et il lui dit : « Qu’as-tu dans ta poche ? »

Elle répondit : « Ô mon père, une pomme ! C’est notre nègre Rihan[1] qui me l’a donnée. Et je l’ai depuis quatre jours avec moi. Mais je ne pus l’avoir qu’après avoir donné deux dinars à Rihan. »

À ces mots de nègre et de pomme, Giafar eut

  1. Rihan, signifie myrthe et aussi toute plante odoriférante.