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histoire du portefaix…
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sur moi ; et il ordonna à un autre nègre de s’asseoir sur mes genoux et de me tenir les pieds. Alors un troisième nègre vint, qui tenait un glaive à la main, et dit : « Ô mon maître, je vais la frapper du glaive et je la couperai en deux parties ! » Et un autre nègre ajouta : « Et chacun de nous coupera un gros morceau de sa chair, et le jettera en pâture aux poissons dans le fleuve de la Dejla[1] ! Car telle doit être la punition de toute personne qui trahit le serment et l’amitié ! » Et, pour appuyer son dire, il récita ces vers :

Si je m’apercevais que j’ai un associé pour celui que j’aime, mon âme se révolterait et s’arracherait à cet amour de perdition ! Et je dirais à mon âme : « Ô mon âme, il vaut mieux pour nous mourir nobles ! Car il n’y a point de bonheur dans un amour avec un ennemi. »

Alors mon époux dit au nègre qui tenait le glaive : « Ô brave Saâd, frappe cette perfide ! » Et Saâd leva le glaive ! Et mon époux me dit : « Et toi, maintenant, dis à voix haute ton acte de foi. Puis remémore-toi un peu toutes les choses et les vêtements et les effets qui t’appartiennent et fais ton testament : car c’est la fin de ta vie ! » Alors je lui dis : « Ô serviteur d’Allah Très-Bon ! donne-moi seulement le temps de faire mon acte de foi et mon testament ! » Puis je levai ma tête vers le ciel, je l’abaissai vers moi-même et je me mis à me considérer et à réfléchir sur l’état misérable et ignominieux où je me trou-

  1. Le Tigre.