Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 1, trad Mardrus, 1918.djvu/204

Cette page a été validée par deux contributeurs.
176
les mille nuits et une nuit

le jour entier jusqu’à la nuit, tellement que mes bras furent exténués, et mes épaules fatiguées, et que j’étais anéanti ! Alors, voyant la mort s’approcher, je fis mon acte de foi et me préparai à mourir. Mais, à l’instant même, une vague, plus énorme que toutes les vagues de la mer, accourut de loin comme une citadelle gigantesque et m’enleva et me lança si fort et si loin que je me trouvai du coup sur le rivage d’une des îles que j’avais vues. Ainsi Allah l’avait voulu.

Alors je montai sur le rivage, et je me mis à exprimer l’eau de mes habits ; et j’étendis mes habits par terre pour les faire sécher ; et je m’endormis pour toute la nuit. À mon réveil, je m’habillai de mes habits devenus secs, et je me levai pour voir où me diriger. Et je trouvai, devant moi, une petite vallée fertile ; j’y pénétrai et je la parcourus en tous sens, puis je fis le tour entier de la place où je me trouvais, et je vis que j’étais dans une petite île, entourée qu’elle était par la mer. Alors je me dis en moi-même : « Quelle calamité ! chaque fois que je suis délivré d’un malheur, je retombe dans un autre pire ! » Pendant que j’étais ainsi enfoncé dans de tristes pensées, qui me faisaient désirer la mort avec ferveur, je vis s’approcher sur la mer une barque contenant des gens. Alors, de crainte qu’il ne m’arrivât encore quelque accident fâcheux, je me levai et je grimpai sur un arbre et j’attendis en regardant. Je vis la barque atterrir et en sortir dix esclaves qui tenaient chacun une pelle ; ils marchèrent jusqu’à ce qu’ils fussent au milieu de l’îlot, et, là, ils se mirent à creuser la terre, et