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l’entrée de la grotte, nous constatons que le débit de la source de la Seille, qui sourd de dessous une roche plate, à 40 mètres au sud de l’entrée de la grotte, est bien plus faible que celui de la cascade dans la grotte. Ceci expliquerait l’origine des deux ou trois petites sources qui jaillissent du fond du lit de la Seille, à une centaine de mètres plus bas.

Presque toute l’hydrologie interne des plateaux du Jura semble être résumée dans la grotte de Baume. Comme MM. Martel et Gaupillat, nulle part nous n’avons trouvé de ces immenses lacs qui donneraient, selon quelques-uns, leur caractère de pérennité si remarquable aux grandes sources vauclusiennes. Partout ce sont de petits canaux qui percent la masse calcaire, qui se réunissent par deux, trois ou plus, et trouvent une faille un peu grande permettant à l’eau de former une petite rivière. De-ci de-là, l’eau remplit quelques vasques qu’elle rencontre. Ces vasques ou dépressions, presque toutes de petites dimensions, se déversent par débordement, restent pleines même pendant les plus grandes sécheresses.

Le siphon, aussi, joue un grand rôle dans ces grottes. À Baume, nous en avons rencontré au moins trois : celui du réservoir de la cascade, celui de la branche de la rivière, et enfin celui qui va de la salle du Catafalque à la salle de la première muraille. Ce dernier siphon prend naissance sous le dais, passe sous la partie que nous avons franchie à l’aide de nos échelles, et va ressortir à l’endroit où Pavie s’est embourbé si profondément. C’est par là que se déversent les eaux d’infiltration de la salle du Catafalque en temps de grandes eaux.

Il n’est guère probable qu’on trouve des ossements dans la grotte de Baume ; son caractère n’y prête guère. Seulement on y rencontre en abondance des squelettes de… chauves-souris et du guano.

La grotte est intéressante, cependant, pour le touriste. Certes ce n’est ni un Adelsberg[1], ni un Dargilan, mais elle contient une salle facilement accessible (aujourd’hui qu’elle est aménagée), qui est une merveille en son genre. La partie nord-ouest de la grande branche est aussi très belle, mais elle restera impraticable aux visiteurs. Souhaitons que les touristes se montrent respectueux de ces merveilles, et que les torches, les fusées et les feux de Bengale restent toujours bannis de ces lieux.

Qu’il me soit permis, en terminant, de remercier, au nom de mes amis Pavie et Barreau comme au mien, tous ceux qui ont bien voulu nous aider dans notre exploration, et particulièrement MM. Oudet, Voisin et Favier, qui nous ont reçus d’une façon si aimable.

Les 12 et 13 octobre, me rendant en Suisse, je me suis de nouveau arrêté à Baume pour prendre d’autres photographies de la salle du Catafalque, celles du mois d’août étant loin de nous satisfaire.

À mon arrivée à Baume, Voisin m’annonce qu’il a beaucoup plu, que les eaux sont grandes, et qu’il craint que nous ne puissions entrer dans la grotte.

Prenant à peine le temps de changer de vêtements, je saute en voiture avec mon hôte, et nous voilà partis vers cet admirable hémicycle au fond duquel se trouve notre caverne. Il fait un temps radieux, et le soleil darde ses chauds rayons dans les moindres recoins des rochers. Les arbres sont déjà multicolores, et la légère brise qui les fait frissonner nous apporte, par bouffées, les grisantes senteurs de l’automne. Un majestueux silence enveloppe la vallée et rend encore plus imposant ce merveilleux « bout du monde ».

La grande cascade, au pied de la grotte, est splendide. À sec au mois d’août, elle déverse aujourd’hui des torrents d’eau. Blanches d’écume et enveloppées d’un fin brouillard de poussière d’eau, les roches calcaires, déchiquetées, qui la forment, sont de toute beauté. La grotte elle-même vomit des flots impétueux qui tombent avec violence par-dessus l’échelle, et vont s’engouffrer entre deux énormes rochers situés plus bas. Décidément il est impossible d’entrer revoir le Catafalque. Mais Voisin me rassure un peu en me disant que, « comme il y a déjà trois jours qu’il ne pleut plus, les eaux peuvent baisser beaucoup en une nuit ». En attendant, nous décidons d’aller explorer une grotte qui se trouve au fond de l’hémicycle tout en haut, à une cinquantaine de mètres au-dessous de la partie supérieure du plateau. La vue, de ce point, est splendide. On découvre out l’hémicycle de Baume et, dans le lointain, le village lui-même, avec sa vieille abbaye.

La caverne où nous nous trouvons a été jadis habitée, aux temps préhistoriques. On y a trouvé, il y a quelques années, de nombreux ossements fort intéressants. Au point de vue « grottologique », l’intérêt est moindre ; car, tout au fond, on trouve une sorte de cheminée qui monte pendant quelques mètres, puis se ferme brusquement et arrête le visiteur.

À droite de cette caverne, dont l’entrée ne mesure pas moins de 15 mètres de largeur sur 6 mètres de hauteur, se trouve dans une anfractuosité du rocher ce que l’on nomme les « Échelles de Crançot ». Ces « échelles » ne sont autre chose que des degrés de pierre taillés à main d’homme dans la roche et conduisant en lacets sur le plateau. C’est le seul moyen de communiquer, sans faire un immense détour, de la vallée de la Seille avec le plateau et ses villages et en particulier avec Crançot.

Gravissant ces marches antiques, nous arrivons, Voisin et moi, sur le plateau et cherchons à nous rendre compte du mode d’alimentation du Dard.

Un grand nombre de sources jurassiques sortent sur des assises marneuses ordinaires, mais beaucoup aussi, et parmi elles presque toutes celles des rivières principales (Loue, Lison, Cuisance, Dard), sortent des fissures, le plus souvent très vastes, comme dans la grotte

  1. Adelsberg, la plus belle et la plus vaste grotte actuellement connue en Europe. Elle est située en Autriche, près du village d’Adelsberg, dans la Carniole. M. Martel, envoyé en mission, y a découvert l’été dernier de nouvelles parties très importantes aux points de vue scientifique et pittoresque.