Page:Le Tour du monde - 67.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

secours, avec Barreau et Ponsard. Ceux-ci prennent du mauvais côté, leurs pieds enfoncent de plus en plus avec un sifflement particulier. Bientôt leurs bougies vacillent, j’entends un floc sonore, et je vois mes deux camarades à plat ventre dans la glaise. Leurs mains, vêtements, figures, tout est couvert d’argile. Pendant ce temps, Pavie gesticule toujours au fond de son trou. N’était notre position critique (toutes les bougies, excepté la mienne, sont éteintes), la scène serait d’un comique irrésistible. Enfin, par des prodiges de patience et de persévérance, nous réussissons à sortir de cet endroit malencontreux, et nous gagnons aussitôt la sortie, avec la ferme intention de revenir demain, à l’aurore, pour voir la fin de la nouvelle galerie.

ENTRÉE LE LA GROTTE DE BAUME[1] (PAGE 286).

Plus de deux cents personnes nous attendent à l’entrée de la grotte. Dire le succès que nous avons dans nos costumes grotesques est chose impossible. Toute la musique du bourg de Champagnole est là ; aussi la vallée est-elle remplie d’harmonies qu’un accueil si flatteur nous fait trouver exquises.

Nous laissons penser au lecteur quelle nuit pleine d’anxiété fut la nôtre. Allions-nous trouver un nouveau Dargilan[2], ou tout simplement un abominable cul-de-sac, comme les grottes en réservent si fréquemment à ceux qui cherchent à lever le voile mystérieux qui cache tant de merveilles de la nature ? C’était là l’inconnu, avec toutes les angoisses de l’attente.

Séduit par notre enthousiasme, M. Voisin, notre très aimable et très obligeant aubergiste, nous avait demandé la permission de nous accompagner, et nous l’avions agréé aussitôt avec le plus grand plaisir.

À peine l’aurore s’annonçait-elle depuis quelques instants, que nous quittions tous trois l’auberge de Baume, pour retourner à la grotte. Accompagnés de M. Voisin, et munis cette fois de 50 mètres de corde et d’une échelle démontable de 10 mètres, nous nous rendons aussitôt, en évitant prudemment l’endroit argileux si néfaste, au pied de la muraille au-dessus de laquelle j’avais remarqué la nouvelle galerie. Dressant 2 mètres d’échelle, et nous aidant des mains et des pieds, nous escaladons une première muraille, haute de 4 mètres, au sommet de laquelle nous trouvons une étroite corniche qui nous conduit au pied d’une deuxième muraille. Celle-ci, en forme de faille, nous laisse établir commodément 4 mètres d’échelle, qui nous permettent de gravir environ 5 mètres de montée. En haut de l’échelle, une énorme roche mal attachée manque de tomber sur Voisin. Heureusement l’un de nous a le temps de la retenir. L’échelle libre, nous faisons faire le plongeon à la roche. Elle tombe de 9 mètres dans l’endroit où Pavie s’était embourbé hier. Le fracas qu’elle fait se répercute au loin dans la montagne. La galerie continue droit au nord, haute de 30 mètres, large de 5 mètres. Au bout de 8 mètres, nous redescendons 2 mètres, puis nous trouvons une nouvelle descente, à pic cette fois. Le magnésium

  1. Dessin de Boudier, d’après une photographie.
  2. Dargilan : grotte merveilleuse située dans la Lozère, gorges de la Jonte, entre Mende et Millau, explorée en 1888-89 par nos amis MM. E.-A. Martel et M. Gaupillat. C’est la plus belle grotte de France.