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d’alluvions que la grotte s’ouvre dans les flancs mêmes de la montagne qui forme le plateau de Sermu. L’entrée de la caverne est grandiose. Le rocher calcaire semble d’une seule masse, et s’élève à une hauteur vertigineuse. Largement concave, il forme une arcade puissante, digne vestibule d’une grotte superbe. Une échelle de fer de 7 mètres permet l’accès au trou ovale qui s’enfonce sous le plateau. Cette grotte est due, comme nous l’avons vu, aux bouleversements géologiques de l’écorce terrestre. Toutes ces failles, ces cavités, ont été utilisées par les eaux du plateau ; celles-ci, s’infiltrant lentement, forment des rivières et des lacs souterrains, qui ont pour fond Îles marnes liasiques du jurassique inférieur. L’eau, s’accumulant, finit par gagner l’extérieur, soit par des fissures impraticables à l’homme, soit par de larges orifices comme à Baume, en temps de grandes eaux.

Le dimanche 6 août, après un copieux déjeuner, Pavie, Barreau, un jeune agriculteur du pays nommé Ponsard, que nous avions pris comme aide, et moi, nous pénétrâmes, vers midi, dans la montagne. Grandes étaient notre impatience et notre émotion. Tout l’hiver, en effet, nous n’avions parlé que de notre future exploration et de ce que nous espérions trouver. Ponsard surtout, qui n’avait jamais vu de caverne, était surexcité au plus haut degré, et nous avions toutes les peines du monde à le faire rester à nos côtés. Les mauvais présages des gens du pays : « N’y allez pas ! Il y a des gouffres, des tourbillons ; vous n’en reviendrez pas ! » etc., ne l’effrayèrent nullement. Nous savions, en entrant, que la grotte comporte deux galeries, l’une allant à droite, l’autre à gauche. Après avoir parcouru le couloir d’entrée, long de 65 mètres, haut de 6 mètres, large de 2 mètres, et se dirigeant vers le nord-ouest, nous arrivons à la « salle du Carrefour », haute de 20 mètres, à l’entrée de laquelle nous déposons le gros de notre bagage (voir le plan de la page 287). Les chauves-souris accrochées à la voûte font un bruit assourdissant, et le guano qui recouvre le sol dégage une odeur nauséabonde. Pendant que nous brûlons du magnésium, et que je lève le plan, Pavie reconnaît les deux branches, et nous décidons d’en finir tout de suite avec la branche gauche (sud), connue presque en entier et de beaucoup la plus courte, paraît-il.

Une sorte de couloir bas de plafond nous conduit à une salle haute de 20 mètres, et de faible étendue. On a prétendu que cette salle servait de réservoir en temps de grandes eaux : c’est absolument impossible. Le bruit d’une puissante cascade nous attire vivement vers l’extrémité de la salle, où nous trouvons une galerie se dirigeant vers Le sud-est. Nous descendons et montons trois pentes faciles, variant de 1 m. 50 à 2 m. 50 de hauteur. Le plafond est bas, le sol complètement déchiqueté par les eaux. Le couloir que nous suivons tourne brusquement à droite, puis, s’inclinant légèrement à gauche, nous laisse voir une jolie cascade haute de 3 m. 50 environ, qui vient du sud-ouest. Nous nous trouvons alors à 170 mètres de l’entrée. Pendant que j’achève de relever le plan, Pavie, Barreau et Ponsard vont reconnaître la rivière formée par la cascade. L’eau s’étale en nappe mince dans une galerie large de 4 mètres, Faisant face à la chute, je remarque un couloir à ma droite ; le magnésium m’en montre l’extrémité, c’est un cul-de-sac. L’eau scintille sous les rayons du magnésium, et la cascade, blanche d’écume, produit un effet charmant. Quelques instants après, Barreau revient m’annoncer que la rivière se dirige vers l’est, c’est-à-dire vers l’hémicycle de Baume, pendant 30 mètres environ, et s’engouffre dans une fissure impraticable allant vers Le nord-est. C’est évidemment fa source qui jaillit de sous une roche à 40 mètres au sud de l’entrée de la grotte. Pendant que Barreau et Ponsard explorent une branche qui semble rejoindre celle par laquelle nous sommes arrivés, Pavie et moi nous escaladons, non sans peine, la cascade, au-dessus de laquelle surplombe une énorme roche. En haut s’ouvrent deux galeries se terminant en cul-de-sac.

L’une d’elles contient de l’eau profonde qui est le réservoir de la cascade. Cette galerie, haute de plafond, mesure 30 mètres de long sur 2 mètres de large. En redescendant la cascade, Pavie glisse et prend un véritable bain de siège, sans toutefois se faire de mal. Nous retrouvons Barreau au pied de la cascade, où il nous attend avec inquiétude depuis plus d’une demi-heure. Il confirme notre première supposition relative à la galerie à sec qu’il vient d’explorer. La branche sud-est finie, nous avons parcouru environ 250 mètres ; il est 2 heures passées, il nous reste la branche nord à explorer. Aussi nous hâtons-nous de regagner la salle du Carrefour. Pas si vite que nous le désirons cependant, car ayant oublié de marquer sur mon plan, en venant, un certain cul-de-sac, nous restons perdus quelques instants. Nous retrouvons la « salle du Carrefour » pleine de visiteurs que notre exploration à attirés. Les fusées tirées contre les chauves-souris et les feux de Bengale ne chôment guère ; aussi la fumée est-elle suffocante. Voilà ce que nous défendrons si nous découvrons quelque merveille à stalactites.

Fuyant vite tout ce monde bruyant et cette fumée aveuglante, nous nous enfonçons dans la branche droite, c’est-à-dire nord. Nous traversons sans encombre pendant 60 mètres une série de fuseaux, larges en moyenne de 3 à 5 mètres, longs de 10 à 15, hauts de 15 à 20, et séparés par plusieurs tunnels dont le dernier est long de 10 mètres, large de 7 et haut de 60 à 70 centimètres. Brusquement, et presque à angle droit, la galerie tourne à gauche ; la voûte s’élève à une grande hauteur. C’est ici que commence ce que les gens du pays appellent « le Lac ». Les eaux, très basses cette année, nous laissent voir une petite surface liquide.

La galerie tourne à droite, et forme une salle, d’une trentaine de mètres de long sur 10 mètres de large, sans cristallisations. Disons en passant que jusqu’ici nous n’avons rencontré ni stalactites ni stalagmites. Pavie s’en va à la découverte ; pendant ce temps je