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qui bordent l’immense plaine de la Saône. La vigne est partout florissante, et le pays semble avoir banni la pauvreté.

Un aussi beau cadre promettait beaucoup au point de vue des découvertes hydrologiques et autres. La suite montrera qu’il ne mentait point.

Aux temps géologiques où le Jura n’était encore qu’un fond de mer calcaire, l’écorce terrestre subit des contractions puissantes, qui transformèrent ce fond d’océan en cet ensemble de plateaux et de montagnes qu’on admire tant aujourd’hui. Prise latéralement, comme dans une immense mâchoire, entre des massifs granitiques, anciennement consolidés, et dont le plus proche était les Alpes, cette mer calcaire se souleva, se plissa, et dans ces plissements fut obligée de se mouler aux contours nettement déterminés de sa puissante voisine, la chaine des Alpes ; d’où la forme actuelle, en croissant, des montagnes jurassiques. Ces plissements ne se superposèrent presque nulle part exactement. Ils laissèrent entre eux d’immenses cavités, d’énormes failles qui dotèrent le Jura d’un nombre incalculable de grottes, de cavernes. La grotte de Baume n’est pas autre chose qu’une faille de ce genre.

GROTTE DES OSSEMENTS[1] (PAGE 286).

Cette grotte, qui appartient à la commune, se trouve à 2 kilomètres environ au sud-ouest du village de ce nom, qui la met en adjudication tous les trois ans. Elle s’ouvre au fond de ce que l’on appelle dans le pays un « bout du monde », immense hémicycle de rochers à pic. L’endroit est sauvage et d’un grand caractère. Au fond de ce fer à cheval, les noyers, à l’abri du vent, étalent leur puissante ramure et protègent du soleil le touriste fatigué qui vient se délasser auprès d’une cascade splendide, due sans doute aux grandes eaux d’autrefois. En face de la grotte, sur le plateau, se trouve le village de Crançot, qui joua aussi un grand rôle du temps de la domination romaine. Ses habitants avaient jadis une vénération profonde pour une source des environs qui guérissait les maladies d’yeux. L’usage voulait aussi qu’ils allassent en pèlerinage sur le rocher de saint Aldegrin, pour demander pardon de leurs péchés, et lancer une pierre au fond de la vallée, afin de jeter en même temps le fardeau de leur conscience. Cette coutume avait son origine, croit-on, dans des superstitions païennes. Quoi qu’il en soit, il est fort heureux, pour les excursionnistes se promenant au fond de l’hémicycle de Baume, que cet usage soit aboli, vu le nombre des pécheurs. C’est au-dessus d’une sorte de plateau

  1. Dessin de Taylor, gravé par Devos.