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née à Saint-Dié et mariée à un Autrichien, musicien remarquable, qui donne ici des leçons, paraît enchantée de voir des compatriotes,

TEMPLE CHINOIS[1] (PAGE 247).

Il faut que j’aille chercher nos bagages. Au moment où nous nous retirons, Mme Popoff nous indique les heures des repas : déjeuner à midi, dîner à trois heures et souper à dix ! Nous commençons à être accoutumés aux heures bizarres. Nous trouvons M. Ninaud qui nous attendait. Il se charge d’aller chercher nos bagages ; mais il revient au bout de vingt minutes, annonçant que Hane, qui a les clefs de la cabine et des malles, a disparu. Que peut-il lui être arrivé ? A-t-il été subitement pris du mal du pays à la vue du drapeau jaune qui flotte de l’autre côté du fleuve et a-t-il gagné la rive chinoise ? Cela me surprendrait fort, étant donné son caractère. Comme nous avons la police dans notre manche il ne sera pas difficile de le retrouver demain, mais il nous faut nos bagages aujourd’hui. Je vais à bord avec M. Ninaud. Hane est sur le pont, tranquille et insouciant comme un homme qui a la conscience calme. Ne comptant pas sur un retour si prompt de notre part, il était allé causer avec des compatriotes.

En retournant au palais je me croisai avec une troupe nombreuse d’hommes, de femmes et d’enfants au teint basané, aux cheveux d’un noir brillant, aux yeux expressifs et intelligents : c’étaient des Tziganes. Il y en a, ma dit ensuite le gouverneur, quarante-deux, qui viennent d’arriver et qui sont dénués de ressources. Une grande et belle femme à l’air insolent me demanda l’aumône dans notre langue en m’appelant « monsieur le voyageur français ».

Ces Tziganes, arrivés par le Yermak, vivent de rapines et de mendicité. Le général Popoff ne sait encore ce qu’il va faire de ces gens turbulents et dangereux que la police est obligée de surveiller. On les mettra probablement sur la barge que le Mouravieff emmènera à Habarovka.

Il est beaucoup plus de 10 heures quand nous nous mettons à table. Ce pauvre gouverneur, depuis ce matin, n’a pas eu une minute de libre. Les officiers se succèdent dans son cabinet et les télégrammes ne cessent d’arriver. Il n’en a pas reçu moins de six pendant le repas. C’est qu’il y a pour le moment une affaire très grave. Un petit steamer d’une compagnie minière sur la Zéa, monté par trois hommes, s’étant arrêté le long de la berge pour faire du bois, a été attaqué par des voleurs. Un des matelots a été tué, les deux autres blessés, et l’or qu’ils transportaient à Blagovechtchensk enlevé. Il y en avait 17 pouds, ce qui, à 16 kilogrammes

  1. Dessin de Boudier, d’après une photographie.