Page:Le Tour du monde - 67.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de cette couleur, je m’abstiens de faire part de cette rencontre ; mais ayant amené le capitaine à nous dire que la Sibérie en produisait effectivement quelques rares spécimens, je déclarai que j’en avais vu un.

25 juin. — Je n’ai aucune difficulté à me procurer de quoi faire un joli bouquet pour Marie, dont c’est aujourd’hui l’anniversaire. Je n’ai qu’à aller à 50 mètres des maisons pour trouver à profusion les fleurs les plus jolies et Les plus odoriférantes.

Vers 2 heures nous passons devant l’embouchure de la rivière Toureya ou Boureya, un des plus gros affluents de l’Amour sur la rive gauche. Elle a ici près de 200 mètres de large. On m’assure que sur son parcours, qui est d’environ 500 verstes, elle traverse des contrées riches en or, dont elle roule même des paillettes.

TOUNGOUSES[1] (PAGE 242).

Nous sommes retombés dans les plaines à perte de vue du côté russe et dans ces prairies constellées de fleurs qui font mon admiration et mon étonnement. La rive chinoise est toujours beaucoup plus élevée. Le soir nous mouillons à Poïarkova.

26 juin. — L’Amour est très large par endroits, mais rempli de bancs de sable, Nous nous arrêtons d’assez bonne heure pour faire du bois, sur la côte chinoise, devant un village dont je demande le nom. Il s’appelle le « village des quatre familles », Sseu-Thia-Ts’oune. On pourrait se croire dans n’importe quel hameau des bords du Peï-Ho, que nous avons quitté il y a quarante jours : mêmes maisons en terre et en briques, mêmes clôtures, même temple au centre du hameau, même aspect des habitants, dont beaucoup sont accroupis sur la berge à nous regarder, les mains cachées dans leurs manches : quelques enfants ont les pieds nus.

Un marchand de petits gâteaux saupoudrés de graines de sésame et d’échaudés frits crie sa marchandise dans les mêmes termes et avec les mêmes intonations que ses confrères de Pékin : « You tcha kouei, joh chao ping ! Échaudés frits à l’huile, galettes brûlantes ! » Le flegmatique Hane sent son cœur tressaillir : il a quelques sapèques dans sa poche, il se régale.

Ainsi font nos Cosaques, mais dans un autre ordre d’idées. Il y a, à peu de distance, un marchand d’eau-de-vie de sorgho, ils envahissent sa boutique et ingurgitent verre sur verre.

Les Russes ont toujours une maxime toute prête pour servir de prétexte à une nouvelle tournée. Un secrétaire d’ambassade à Pékin m’a initié il y a déjà

  1. Dessin de Slom, gravé par Derbier, d’après une photographie de M. Ninaud.