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qu’il est chargé de conduire. Pour le Vladivostok, il reçoit une somme de 100 roubles, au retour à la baie de Castries. Il est toujours accompagné d’un élève pilote.

La mer a perdu depuis quelque temps sa belle couleur verte ; elle est d’un brun clair. Des bandes innombrables d’oies, de canards et de sarcelles que notre arrivée met en fuite, la sillonnent dans tous les sens. Nous longeons la côte, et c’est à peine si nous apercevons de temps en temps quelques traces de la présence de l’homme. Le pays est montagneux, très boisé, mais les arbres me paraissent malingres. Dans une petite anse, nous apercevons d’énormes blocs de glace, restes de la débâcle d’avant-hier.

Cependant la mer va toujours en se rétrécissant et la navigation devient difficile. Tantôt nous longeons la côte, tantôt nous nous en écartons suivant les caprices du chenal, qui est très étroit.

Tous les jours, matin et soir, on prend à bord la température de l’eau de la mer. Depuis le Japon nous n’avons cessé de marcher vers le nord, et le thermomètre n’a cessé de descendre. Hier encore il n’indiquait que + 6 degrés Réaumur. Aujourd’hui il est remonté à + 8, La raison en est simple : nous sommes dans les eaux de l’Amour, sensiblement plus chaudes que celles de la mer. Un marin puise avec un seau le long du bord une petite quantité d’eau : elle est douce, exempte de sel. On m’assure que le long de Saghaline elle est plus froide et salée.

SACRIFICE DE L’OURS[1] (PAGE 222).

Ces rencontres de courants de températures différentes sont la cause des brouillards dont on nous avait si fort menacés à notre départ de Vladivostok. Un grand courant d’eau chaude, le Gulf-Stream du Pacifique, venant en effet de l’équateur, passe entre le Japon et la Corée et entre dans la mer d’Okhotsk par le détroit de La Pérouse. Un autre courant, mais froid celui-là, venant de cette même mer d’Okhotsk, se divise en deux en arrivant à l’île de Saghaline, et une partie pénètre dans la Manche de Tartarie. C’est sa rencontre avec l’Amour et avec Le courant du sud au détroit de La Pérouse, qui fait de la Manche de Tartarie un véritable nid à brouillards. Or aux caps Mouravieff et Lazareff le détroit n’a

  1. Gravure de Berg, d’après des dessins japonais.