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2 LE TOUR DU MONDE.

connaître que très imparfaitement le chinois ; pour se justifier, .il ajoutait qu’il n’avait que six cents roubles d’appointements,.

À Troïtckosawsk, nous entendimes pour la dernière fois la sonnerie des cloches d’une église russe, et, par une belle matinée de juillet, nous entrâmes à Kiachta.

Un négociant de cette ville avait mis sa maison à notre disposition. Pendant que nous procédions à notre toilette, nous vimes entrer plusieurs Chinois de Maï-Maï-Tzeng ; ils nous saluèrent en russe et tendirent les mains, comme à de vicilles connaissances.

Leur entrée était accompagnée d’une forte odeur d’ail et de fumée d’opium. Lä conversation commença en russe, parce que les Chinois de Maï-Maï-Tzeng parlent notre langue, toutefois en l’écorchant tellement qu’il est un peu difficile de les comprendre. Ge patois a été dénommé Île dialecte de Kiachta,

La petite ville chinoise Maï-Maï-Tzeng, ou plus cor-

rectement Maï-Ma-Tzeng (ce qui veutdire : petite ville commerciale), est-située en face de Kiachta ; un terrain Sans construction, d’une largeur de deux cent cinquante mètres, sépare les deux villes : c’est la zone frontière entre la Russie et la Chine. Deux vicux poteaux en bois, couverts de boue, sans aucune inscription, indiquent la frontière. Voilà tout. _ Les derniers préparatifs terminés, nous quittiämes l’hospitalhière Kiachta, bien approvisionnés de comestibles, de vins, de bonbons et d’échantillons de toutes sortes de marchandises pour la valeur de mille roubles. Le commissaire el plusieurs de nos compatriotes nous reconduisirent jusqu’à la première station, dans la steppe de Mongolie, toute verte et sillonnée par des sentiers rougeâtres et sablonneux. Là on fit planter des tentes, dresser des tables, et, après un dermier banquet, nos compatriotes reprirent. le chemin de Kiachta et nous passâämes notre première nuit dans une iourta mongole. Elle se composait d’une légère charpente en bois, couverte de feutre ; cette habitation était en somme assez supporlable, maisil ne falfait point y être trop exigeant au point de vue de la propreté. _

En route ! Nous prenons place dans des voitures chinoises à deux roues. Nous en avons trois. Chacune d’elles est habituellement trainée par deux cavaliers auxquels s’en adjoignent au besoin deux, quatre ou même un plus grand nombre, suivant les difficultés du trajet ; ils aident à traîner le chariot dans les montées, ou à le retenir dans les descentes. Voilà pourquoi, dans les voyages en Mongolie, les convois sont toujours acéompagnés d’un nombre considérable d’hom-

mes et de chevaux de rechange ; et pourquoi aussi nos. trois voitures étaient cscortées par toute une cavalcade.

de Mongols, quelquefois mème par leurs femmes.

Après avoir passé plusieui 3 stations, nous arrivâämes traverser.

devant l’Yre-Gol, rivière que nous avions à L’Yre-Gol est un aftluent du Orchonte, lequel, à son tour, déverse ses eaux dans le Selenga, L’Yre-Gol, à



l’endroit où nous étions, n’était pas plus large que la

Neva, peu profond, mais très rapide.

« Traverscr, » me demandais-je, et sur quoi ?

Est-ce sur ce flotteur que je voyais devant moi et qui consistait en trois soliveaux creux attachés l’un à l’autre en trois endroits ?

Deux Mongols tout nus entrèrent dans l’eau, et, appuyant ce radeau vers le rivage, le soutinrent par un bout, tandis que d’autres poussèrent la voiture jusqu’à ce qu’elle fût dessus, la moitié de ses roues dans l’eau. Ils remontèrent alors le courant, appuyant leurs gaffes sur le fond de la rivière. Ils travaillaient avec une étonnante habileté, résistant au courant, s’appuyant de leurs pieds sur le bois du radeau avec une force telle qu’on les y aurait crus rivés. Ils changeaient souvent de position, transportant les perches soit d’un côté, soit d’un autre, avec calme et loujours sûrs d’euxmêmes. Un faux pas eût suffi pour les jeter à Veau ; mais ce faux pas leur était inconnu.

Lorsqu’ils se furent élevés à une assez grande distance, ils firent exécuter un tour au radeau et partirent avec le courant en : se dirigeant vers le rivage opposé, pour aborder juste à l’endroit où nous attendaient hommes et chevaux qui devaient nous conduire ‘plus loin.

Le parcours de chaque distance entre deux stations nous coûtait une brique dé thé et trois roubles par personne, non compris les Cosaques ; en tout quinze roublest : c’est la paye habituelle.

Le voyage à travers la Mongolie nous prit un mois. Nous passâmes neuf jours à Ourga, ville populeuse et très sale, située dans une plaine entourée de montagnes, et où se trouve le fameux temple du dieu Maïdar, avec sa statue en bronze, de vingt-cinq mètres à peu près de hauteur et habillée de satin jaune. Cette slatue, fondue dans le Thibet, a été transportée à Ourga par par ties.

Mille versies séparent Ourga de la première ville de la Chine, Kalgan ; trajet monotone, tantôt à travers les steppes, tantôt à travers les montagnes.

À la station de Toh nous fûmes très étonnés de ne rencontrer âme qui vive. Nous apprimes que la lamaserie du voisinage était visitée en ce moment par un prètre supérieur ‘{Khoutoukhta ou Hyhène), arrivé du Thibet, et comme la majeure partie des habitants de Toli, qui compte une trentaine de-tentes, sont des lamas, la piété ou la simple curiosité lés avait tous attirés à la lamaserie.

Quoique nous sussions combien il est difficile de voir un pareil personnage représentant da divinité, nous essayämes de lui demander une entrevue.

À notre grand étonnement sa réponse fut tavérable ; le Khoutoukhta nous attendait, en nous faisant prier seulement de nous hâter parce qu’il allait se coucher. Sans tarder une minute nous nous mimes en marche, précédés de trois lamas ; l’un d’eux éclairait le chemin «vec une lanterne.

1. Le rouble ordinaire (argent) vaut quatre francs.