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l’index et le pouce, de façon que, l’arc n’ayant aucune élasticité, la portée des flèches ne dépasse pas cent dix mètres.

Il est heureux pour les Turcs que les Baris soient de pitoyables archers, car les mauvais traitements des négociants de Gondokoro les ont poussés à l’exaspération. De pacifiques qu’ils étaient, ils sont devenus les plus redoutables des nègres, voisins du Nil Blanc, et on n’obtient d’eux la tranquillité que par la terreur.

Notre sécurité était médiocre entre l’hostilité des nègres armés de leurs flèches empoisonnées et des centaines de brigands européens passant leurs journées à boire, à se disputer et à tirer des coups de fusil dont les balles venaient siffler parfois jusqu’à nos oreilles.


Sir Baker et sa femme. — Dessin de A. de Neuville.

À chaque jour, à toute heure, il n’y avait pas à cette époque, à Gondokoro, d’éventualité plus probable pour un Européen, qu’une balle dans la tête par hasard. Les honnêtes trafiquants de l’endroit n’auraient vu dans cet accident que l’immense avantage d’être délivrés d’un espion… supposé. Un malheureux enfant assis sur le plat-bord d’un bateau fut foudroyé de cette manière. Nul n’avait fait le coup ! Le cadavre, tombé dans l’eau, fut entraîné par le fleuve. On balaya les fragments du crâne et de la cervelle projetés sur le pont, et ce fut tout.

Le séjour de Gondokoro n’avait donc rien que de désagréable pour nous. Les bandits blancs poussèrent à la révolte nos gens, auxquels je refusais la permission de faire une razzia sur les villages de Baris, et la révolte ne fut apaisée que grâce à l’énergie et au sang-froid que nous déployâmes en cette circonstance.

Les choses en étaient arrivées à cette crise lorsque, le 15 février, des coups de fusil annoncèrent l’ap-