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de le dire, de faire le métier de chevaux de halage. Il y a sur le fleuve des bateaux d’un tonnage considérable ; le nombre de Bourlakis nécessaires pour les remorquer est réglé par des conventions particulières. On en met jusqu’à quarante à un seul bâtiment. Les bateaux à vapeur, qui joignent au transport des voyageurs celui des marchandises, leur font grand tort, surtout depuis que plusieurs sociétés ont établi des remorqueurs.

Les troubles qui ont eu lien à Kazan, il y a quelques années, en 1860, je crois, ont été alimentés par les Bourlakis sans ouvrage. Quelques nobles mécontents de l’ukase d’emancipation ont aidé l’insurrection ; il a fallu envoyer des troupes, et beaucoup de Bourlakis ont péri.

Après avoir passé devant Isadij, situé sur la rive droite du fleuve, nous touchons vers le milieu de la journée à Makarief, transformée en une pauvre solitude depuis qu’elle a été privée du grand marché qui enrichit Nijni. Il ne lui reste plus pour attrait que son fameux couvent de Saint-Macaire, et encore est-elle obligée d’envoyer tous les ans la châsse du saint pour présider à la foire de Nijni et lui porter bonheur ; c’est de la cruauté.

La ville de Makarief a toutefois conservé le monopole des coffrets dont l’usage est très-commun en Russie : ils sont brillants comme l’argent, grâce à l’emploi du fer-blanc qui les couvre et d’un coloriage varié obtenu à l’aide de l’acide nitrique, je crois. Ces coffrets sont garnis de serrures à ressort, qui font entendre des sons plus ou moins harmonieux.


Route en bois. — Dessin de M. Moynet.

Nous revenons à notre bateau, où nous trouvons tous nos passagers prenant le thé sur le pont. La soirée est belle. Nous passons devant l’embouchure de la Soura, qui se jette dans le Volga à Vasil, ville que nous apercevons vers la rive droite, mais que rien de particulier ne recommande à notre attention.

Plus loin, c’est la Velouga qui vient, à notre gauche, grossir les eaux du grand fleuve, puis une autre petite rivière, dont les bords sont couverts de forêts ; quelquefois nous voyons d’immenses prairies et des troupes de chevaux. C’est qu’il y a, de ce côté, une grande quantité de haras ; les plus importants appartiennent à l’État et fournissent en partie les remontes pour la cavalerie, l’artillerie et les charrois de l’armée.

Les forêts sont peuplées de loups qui causent de continuelles inquiétudes aux éleveurs ; elles sont aussi l’asile d’un grand nombre d’ours. Il en est de même dans le gouvernement de Kazan ; les paysans sont quelquefois forcés de barricader leur isba, pour empêcher ces bêtes affamées d’entrer chez eux.

Dans la plupart de ces forêts, le chêne atteint de grandes proportions et fournit de beaux bois de construction ; les autres arbres servent à l’exploitation des mines de toute nature qui se trouvent entre le Volga et l’Oural.

Encore une petite rivière à notre gauche qui se jette dans le Volga ; on la nomme l’Ilet.

Nous arrivons le soir devant Kazan, où nous n’apercevons rien autre chose que des bateaux de charge.

Moynet.

(La suite à la prochaine livraison.)