Page:Le Tour du monde - 15.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Isba, maison de paysan russe. — Dessin de M. Moynet.


LE VOLGA,


PAR M. MOYNET.


1858. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS[1].


Séparateur


Nos adieux à Moscou. — Départ en télègue — Une recette pour économiser le sucre. — Il se faut entr’aider. — Troïtza. — Moines-soldats. — Un tombeau supplicié. — Ce que les Russes appellent des routes. — Hospitalité forcée. — Elpativo. — Description d’un village russe. — L’administration. — Qu’en diraient nos paysans ? — L’isba : sa construction, son mobilier. — Costume des hommes et des femmes. — Un village libre.

Deux mois de séjour nous avaient permis de visiter et d’étudier dans leurs détails les monuments, les musées, les monastères et les marchés de Moscou. Mais cette grande et belle ville se civilise : la physionomie russe s’y efface de plus en plus ; les mœurs cosmopolites de la classe riche, le commerce, l’industrie tendent à y faire ressembler toutes choses à ce qu’on voit dans les grandes capitales de l’Europe. Nous commencions donc à ressentir un désir impatient de nouveauté, et, un jour que le retour monotone des scènes qui avaient déjà passé tant de fois sous nos yeux nous causait un peu plus d’ennui qu’à l’ordinaire, nous annonçâmes à nos amis notre prochain départ. Nous avions résolu d’aller à Kalaisine pour faire plus intime connaissance avec le Volga que nous avions entrevu à Tver.

Le chemin de fer nous avait amenés de Saint-Pétersbourg à Moscou. Il ne fallait plus compter sur ce moyen facile de parcourir le pays, ni rêver un voyage commode en chaise de poste ou en diligence ; dès qu’on s’éloigne des trois ou quatre premières villes de la Russie, on n’a plus devant soi que des routes détruites ou effondrées. J’ai vu, sur la route impériale de Moscou à Smolensk, les arbres pousser au milieu du chemin. On passe à droite ou à gauche, la voie s’élargit sans cesse, et il ne vient à la pensée de personne qu’il pourrait être utile de rétablir l’ancienne voie au moins en son état primitif.

Nous n’avons à choisir, la nécessité le veut, qu’entre la télègue et la tarantasse.

Ces deux voitures universellement en usage dans toute la Russie, et dont le seul souvenir fait crisper les nerfs de tous les malheureux étrangers, sont encore, pour les Russes de pur sang, l’idéal du confortable et du gracieux.

La tarantasse, surtout, espèce de petite chambre posée sur des roues ou sur un traîneau suivant la saison, et bien entendu sans le moindre ressort, jouit d’une faveur universelle. Le voyageur indigène y entasse avec délices sa famille, ses coussins, ses touloupes (paletots indigènes), son sommavar (appareil pour faire le thé), et ses autres ustensiles de ménage.

Quant à nous, qui voulons voir le pays et en dessi-

  1. Tous les dessins joints à cette relation sont de M. Moynet.