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derrière la tête. Je n’avais jamais vu une telle exubérance du système chevelu chez mes compatriotes. Cette mode rappelait trop fidèlement la coiffure des nègres du Lira, et Bicharn en fut si naturellement frappé, que, se rappelant l’usage qu’a cette tribu d’augmenter l’épaisseur de ses cheveux avec ceux de leurs amis défunts, il me dit naïvement : « Les Anglaises sont bien belles ; elles ont de magnifiques chevelures et ne font pas comme ces sauvages de nègres qui se mettent sur la tête des cheveux qui ne sont pas à eux. Les leurs leur appartiennent bien, n’est-ce pas ? — Oui, Richarn, répliquai-je. Ces cheveux sont bien à elles. » Leur coiffeur, bien payé sans doute de ses fournitures, ne m’aurait pas démenti.


Le chef de la tribu des Lira. — Dessin de A. de Neuville.

J’établis Richarn et sa femme dans une place excellente que je leur procurai à l’hôtel Sheppard du Caire. En quittant ces bons serviteurs, les derniers de mes compagnons de route, j’éprouvai un vrai serrement de cœur. Puis quand je me retrouvai en tête-à-tête avec Mme Baker, dans un wagon de chemin de fer, sans que rien me rappelât la vie sauvage, le passé me parut un songe ; j’étais prêt à me demander si bien réellement javais vu le lac Albert et les sources du vieux Nil ; mais, devant moi, j’avais mon témoin, ma compagne dévouée, qui ne m’avait jamais quitté et dont le courage avait fait ma force, tellement qu’après Dieu c’était à elle surtout que je devais le succès de mon entreprise.

Traduit de l’ouvrage de sir Samuel Baker par
J. Belin de Launay.