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les races d’hommes que nous y connaissons remontent à une égale antiquité ? Le fait est, qu’aux fossiles rapportés par MM. Kirk et Livingstone, se sont trouvés mêlés des fragments de poterie ; mais on n’a pas prouvé encore que les uns et les autres soient de la même époque. Nous manquons donc, pour l’Afrique, de ces anneaux qui rattachent en Europe l’archéologie à la géologie. Enfin, si l’on parvient jamais à établir une aussi haute antiquité pour le nègre, il faudra bien admettre, en même temps, qu’il est demeuré inférieur aux autres races humaines, car il a fait en civilisation moins de progrès, même que les Polynésiens. C’est ainsi qu’il n’a jamais su que tuer et dévorer l’éléphant tandis que, depuis un temps immémorial, l’Asiatique a su s’en servir utilement. »


Tête d’antilope méhédéheh.

C’était à la fin de mars, c’est-à-dire, à la fin de la saison sèche, dans cette latitude, que nous descendions le Nil, lorsque nous aperçûmes, dans un espace découvert, parce que les roseaux y avaient été brûlés, un troupeau de plusieurs milliers d’antilopes, auxquelles des nègres en grand nombre coupaient la retraite. Les femelles étaient d’un brun rouge, sans cornes, et les mâles portaient, de belles cornes et avaient le pelage noir. Comme je n’avais jamais tué d’antilopes pareilles, je me fis mettre à terre avec Richarn et Saat, et j’entrai en chasse. J’abattis d’abord deux mâles, puis, me portant derrière une fourmilière de dix pieds de haut, devant laquelle le troupeau défilait au galop, je tuai encore deux mâles et une femelle. J’abandonnai quatre de ces belles pièces de gibier aux indigènes, me réservant seulement les têtes, que j’emportai avec la cinquième à mon bord. L’animal était de couleur noire, un peu plus grand qu’un âne ; il avait une tache blanche

au garrot, une couronne blanche au sommet de la tête, un cercle blanc autour des yeux, et le ventre blanc ; ses cornes, gracieusement recourbées en arrière, mesuraient deux pieds quatre pouces anglais.

Quelques jours après, nous arrivions au confluent du Bahr-el-Gazal, et nous rencontrions un barrage qui s’était formé à travers le Nil et où déjà plusieurs embarcations s’étaient perdues. Je fis jeter l’ancre à un demi-mille en avant et j’allai reconnaître l’obstacle. C’était une immense accumulation de roseaux et de végétations flottantes, dont le fond était déjà fort solide, et dont la surface, étendue sur trois quarts de mille en largeur, se couvrait de roseaux et d’herbes élevées. Il nous fallut une demi-journée pour dégager le chenal qu’avaient creusé les bateaux en remontant le fleuve, et deux journées entières pour franchir le barrage sans accident et au prix d’un travail opiniâtre.


Tête de rhinocéros noir à double corne.

À peine nous en trouvions-nous débarrassés, que la peste se déclara sur notre bateau, et que plusieurs de nos gens furent pris de ces saignements de nez qui annoncent une fin fatale, aussi prompte qu’inévitable. Saat, notre enfant d’adoption, ce jeune nègre qui faisait une exception si remarquable au caractère barbare de sa race, fut une des premières victimes de cette terrible maladie. Sa peau était devenue jaune, ses yeux s’injectaient de sang et, quand il n’était pas en proie au délire, épuisé, étendu sur sa natte, il poursuivait de ses affectueux regards Mme Baker, qui lui faisait boire de l’eau sucrée, seul remède qui, avec le calomel, fût à notre disposition. Rien ne pouvait plus soulager ses tortures. Richarn gagna toute mon amitié en le veillant paternellement. Le lendemain, Saat paraissait aller