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tions et de souvenirs du passé, et ne croient pas en Dieu.

D’ailleurs, c’est à peu près ce que pense sur ces matières notre célèbre sir R. Impey Murchison. Déjà, en 1852, il avait, a priori, établi que le centre de l’Afrique n’a pas pu géologiquement se modifier durant une suite de siècles si longue qu’il peut bien remonter à des temps fort antérieurs à l’homme. Douze années plus tard, en 1864, le 23 mai, au moment où je revenais de visiter le lac Albert, notre illustre savant prononçait, à la séance solennelle de la Société royale de géographie d’Angleterre, un discours que j’ai lu avec le plus vif intérêt depuis mon retour, et dont voici l’analyse :


Baker chassant la giraffe.

« J’ai dit, en 1852, que le centre de l’Afrique forme un grand plateau occupé par des lacs et des marais d’où les eaux s’écoulent à travers des fissures ou des dépressions pratiquées dans les roches plus anciennes qui se trouvent au-dessous, et que ce plateau est resté dans les conditions où il est aujourd’hui, depuis un temps que je croyais fort considérable. Depuis cette époque, tous les voyages faits en Afrique m’ont confirmé dans la pensée que cette partie du monde n’a jamais été submergée comme l’ont été l’Asie, l’Amérique et l’Europe. Voici quelques-uns des faits sur lesquels je fonde mon hypothèse. Le docteur Kirk, sur les bords d’un affluent du Zambèze, a trouvé des débris d’animaux ayant tous les caractères de fossilisation qui les rendraient antérieurs à la période tertiaire, et pourtant ces fossiles étaient exactement semblables aux ossements des buffles, des crocodiles et des tortues qui existent aujourd’hui. Ils étaient accompagnés aussi de débris fossiles d’antilopes et d’autres animaux que nous retrouvons en Afrique sans aucune modification sensible. On n’a découvert encore aucun calcaire contenant des restes d’animaux marins, dont la présence prouvrait que cette partie du monde a, comme les autres, été déprimée sous l’Océan, puis relevée au-dessus du niveau des eaux. Ainsi depuis l’époque de la formation des roches secondaires le centre de l’Afrique semble être demeuré dans les conditions terrestres et lacustres où il se présente à nous. On n’y voit même aucune trace de ces dépôts grossiers et superficiels qu’ont produits l’action et la fonte des glaciers, ou les ravages des formidables torrents qui, ailleurs, sont descendus jadis des montagnes élevées. Quant aux volcans, hormis le Kilimandjaro, éteint aujourd’hui, on n’y a encore constaté, au sud de l’équateur, ni cratère ni matière éruptive[1]. Cette conservation de l’antique état de l’Afrique centrale, est, il est vrai, un fait unique en géologie, et cependant il est impossible aujourd’hui de ne point convenir que, depuis la formation, le sud de l’Afrique n’a éprouvé aucun autre changement que ceux qui sont les conséquences des influences atmosphériques et géologiques. Si nous admettons que les plantes de ce vaste pays et les animaux des espèces inférieures qui l’habitent, sont toujours restés les mêmes, comme la terre qui les nourrit, en devrons-nous conclure que

  1. Nul, depuis Werner, n’a cherché à contester la vulcanisité du basalte. Cette roche est éminemment d’essence éruptive ; or sa présence est parfaitement constatée dans l’Afrique australe, où sur un point bien connu, le Mosi-a-tounya, elle barre d’un énorme filon le bassin du Zambèze (latitude sud 18°). (Rédaction.)