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che (voy. p. 308). Son fils, également accroupi et nu, mettait les barres au feu avec une pince et les passait à son père quand elles étaient rougies.

Cependant le chef de l’escorte nous engagea à reprendre notre marche. Peu à peu la route que nous suivions devint déserte. Nous entrâmes dans la vaste solitude d’une agglomération de résidences seigneuriales.

À notre droite s’étendaient les magnifiques ombrages d’un parc du prince de Satsouma ; à notre gauche, le mur d’enceinte d’un palais du prince d’Arima. Quand nous en eûmes tourné l’angle nord-est, nous nous trouvâmes devant la façade principale du bâtiment : elle se développe parallèlement à une plantation d’arbres, baignée par les eaux d’une limpide rivière qui sépare le quartier de Takanawa de celui d’Atakosta.

Comme Béato se mettait à l’œuvre pour faire une photographie de ce paisible tableau, deux officiers du prince, accourant auprès de lui, l’engagèrent à ne pas continuer son opération. M. Metman les pria de bien vouloir préalablement prendre les ordres de leur maître. Les officiers s’exécutèrent et revinrent au bout de quelques minutes : « Le prince, s’écriaient-ils d’un commun accord, ne permet absolument pas que l’on prenne une vue quelconque de son palais ! » Béato s’inclina respectueusement et ordonna aux coskeis d’enlever la machine ; et les officiers se retirèrent satisfaits, sans se douter que l’opérateur avait ou tout le temps de tirer deux clichés pendant leur absence.


Le palais d’Arima (muraille extérieure). — Dessin de Thérond d’après une photographie.

Les yakounines de l’escorte, témoins impassibles de cette scène, furent unanimes à applaudir au succès de la ruse de M. Metman. Mais quand celui-ci annonça l’intention de prendre aussi la photographie du castel et du cimetière des Taïkouns, ce fut à leur tour de lui opposer une résistance que rien ne put déjouer ni fléchir,

Il nous fallut même renoncer à pénétrer dans l’enceinte tumulaire. Nous en apercevions très-distinctement la haute pagode et les sombres bosquets de cyprès, à l’arrière-plan de l’un de ces frais paysages aux arbres majestueux, aux vertes pelouses, aux belles eaux courantes, dont la ville de Yédo abonde.

Tout ce que nous pûmes obtenir, ce fut de côtoyer la partie occidentale du lieu sacré.

Nous passons la rivière, sur le pont où s’est commis l’assassinat de Heusken ; et, laissant à notre gauche quelques maisons d’Akabané que l’incendie a épargnées, nous traversons une place bordée d’un côté par un matoban, ou jardin de tir et l’arc, et de l’autre par des murs, des plantations d’arbres, des édifices et un petit lac appartenant au Soyosti : c’est le nom que l’on donne à la grande bonzerie qui a la gloire de recevoir les Taïkouns dans leur dernière demeure. Ils y reposent