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Alliance, où sept cents esclaves groupés sur trois centres entretiennent une importante sucrerie.

Le Vieux-Meerzorg avec deux cent cinquante esclaves. Ce chiffre a été fixé sous peine de cassation, par un codicille d’un testament bizarre, afin de maintenir l’intégrité de cette riche plantation, que fonda jadis un pauvre soldat congédié. En effet, ce n’est pas la terre qui a de la valeur par elle-même ; elle n’en acquiert que par le nombre de travailleurs destinés à la mettre en rapport.

Voici Ponthieu, Barbados, Badenstein, Maria-Pezronella, Frederik-Lust, etc., j’en passe et des meilleurs. Tout cela est d’un grand aspect. Les maisons des maîtres, vues de loin, ont quelque chose de seigneurial, mais cette splendeur apparente n’est qu’un reflet du passé. Les maîtres habitent l’Europe, et les habitations, tenues le plus souvent par des gérants, subissent les fâcheuses conséquences de l’absentéisme.

Quelques habitations tombent en ruine, d’autres abandonnent une culture dépréciée pour en exploiter une autre plus en harmonie avec les besoins du moment et le nombre des travailleurs

Enfin, nous arrivons presque au bord de la mer, à l’habitation d’Esthers’-Rust, but de notre voyage, et dans laquelle, grâce à une lettre de recommandation et, à la présence de M. Lyons, frère du consul de France, nous sommes accueillis par le gérant avec une parfaite hospitalité. C’est là que j’établis mon bureau de renseignements et d’observations.

Esthers’-Rust est une propriété de cinq cents akkers (l’akker est une surface de soixante-six pieds sur six cent soixante, un peu moins d’un demi-hectare), trois cent cinquante akkers sont cultivés en coton. L’habitation a cent quatre-vingt-onze esclaves ; mais la statistique semble établir qu’on doit défalquer de ce chiffre les femmes, les enfants, les vieillards, les-gens employés à l’usine, les canotiers, les domestiques et les malades, de manière à réduire le nombre des réels travailleurs du sol au tiers de celui des esclaves. Je crois cette appréciation erronée en ce qui regarde la culture du coton, attendu que chacun peut y apporter sa part de travail, sans être doué d’une grande force physique.

On dit aussi qu’un bon travailleur peut entretenir cinq akkers sous coton, ou quatre akkers sous cannes, huit sous bananes et dix sous cacao.

Les terrains qui semblent les plus propices à la culture du coton sont les terres basses, voisines de la mer, saturées de principes calcaires et argileux et renfermant une dose modérée de péroxyde de fer. L’excès de ce dernier élément est plus préjudiciable que son absence, car outre l’influence qu’il a sur la plante elle-même, il agit directement sur la couleur du coton.

Le voisinage de la mer est indispensable au cotonnier. L’arbuste qui vit par ses feuilles comme par ses racines, semble avoir un impérieux besoin de respirer cet arome salin que lui apportent les brises du large, en même temps que ses racines se nourrissent des sucs d’une terre sablonneuse.

Il faut, avant toute chose, disposer le terrain pour recevoir les graines. Cette disposition est essentiellement basée sur le drainage. Le système général est tracé d’après les mêmes principes et ne subit que quelques modifications de détail, commandées par la nature des lieux.

De larges canaux d’alimentation, coupés de saignées moins profondes, entretiennent des fossés qui servent de cadres aux plates-bandes cotonnières. Ces plates-bandes nommées lits, ont en général une vingtaine de pieds de large. Leur longueur n’est pas déterminée. Elles sont entrecoupées de chaussées perpendiculaires à leur longueur ; chaque lit est numéroté pour la facilité de la culture et pour la distribution du travail. Des madriers étroits et glissants servent parfois de communication à travers ces canaux secondaires, mais on les franchit le plus souvent à l’aide d’une longue perche, ce qui fait qu’une promenade sur une plantation devient parfois un exercice des plus fatigants et une véritable école de gymnastique.

Lorsque la terre est débarrassée de toutes les mauvaises herbes, on la laboure et on la rend le plus meuble possible, sans cependant l’attaquer trop profondément, puis on sème. Cette opération se fait à la mi-avril, c’est-à-dire pendant la saison pluvieuse. On creuse dans la terre, soit avec les mains, soit avec un instrument quelconque, un trou peu profond, dans lequel on jette une poignée de graines ; une vingtaine environ, puis on rabat la terre par-dessus. Ces trous sont espacés d’une manière uniforme et disposés en créneaux. La distance qui les sépare est de deux pieds et demi à trois pieds en longueur. Quand la terre est vierge, on sème trois lignes de cotonniers par lit ; quand la terre n’est plus vierge, on en sème cinq et même six.

Les cotonniers donnent généralement deux récoltes. La première floraison a lieu en août et septembre, la seconde en janvier et février. Six semaines après la floraison, on peut récolter. La carrière annuelle du cotonnièr est considérée comme finie après la seconde récolte, c’est-à-dire en mars. Alors on coupe les plants à un mètre de hauteur et on les émonde. Cette opération, qui se fait en avril, coïncide avec l’époque des semailles où l’on remplace les plants morts ou rachitiques. Tous ces procédés aboutissent à régler la vie de l’arbuste dans son repos comme dans son travail, d’après les saisons et la distribution annuelle des jours pluvieux et de façon à ce que la production ait lieu pendant la sécheresse.

Les récoltes continuent dès lors sans interruption autre que les accidents. On dit cependant qu’il faut renouveler les plans de coton tous les quatre ou cinq ans, en ayant soin de choisir toujours la saison pluvieuse pour cette opération.

Il arrive quelquefois que par suite d’une sécheresse trop prolongée, les capsules, ou plombs qui succèdent aux fleurs, et dans lesquelles s’opère la dernière transformation du fruit, refusent obstinément de s’ouvrir. La récolte se trouve alors sérieusement compromise, et