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Voici l’Enfant-Perdu[1], écueil isolé, dominant la mer de quelques mètres et sur lequel déferlent les embruns des lames. Les parents de cet enfant sont là-bas à l’horizon ; ce sont les îles Rémire, le père, la mère et les filles, qui portaient jadis les noms indiens assez durs à prononcer de Sannaoum, Spénésary, Eporcérégémérœ. Nous voyons aussi les montagnes de l’île de Cayenne, anciennement appelée Moccumbro d’après les uns et Matoury d’après les autres. Quant au mot Guyane, il vient du mot indien Guainia qui dans la langue des Marsitans aussi répandue que le caraïbe dans l’Amérique équatoriale, est donné au Rio-Négro et aux terres adjacentes.

Les grands navires, c’est-à-dire ceux dont le tirant d’eau dépassait cinq mètres, mouillaient jadis à l’Enfant-Perdu, ne pouvant entrer dans le port de Cayenne. Aujourd’hui ils ne peuvent tenir à ce mouillage et vont aux îles du Salut.

L’entrée du port de Cayenne n’est pas des plus faciles. Beaucoup de navires doivent attendre la marée, attendu que le chenal à basse mer n’a que trois mètres de fond ; de plus il y a une barre qui est parfois extrêmement


Cayenne vue de la rade. — Dessin de Riou d’après une aquarelle de M. Touboulic, capitaine de frégate.


grosse. Par suite du déplacement des bancs, le port de Cayenne a été une fois bouché après un violent ras de marée. Les bâtiments n’eurent d’autre sortie que la rivière du Tour de l’île, qui n’est praticable que pour de petits navires à vapeur. Un autre mouvement sous-marin ouvrit le passage un moment fermé. Toutefois ces variations donnent certaines inquiétudes pour l’avenir déjà triste d’une colonie qui ne peut subsister par elle-même, qui ne vit que par la mer et qui périrait si la mer lui faisait défaut.

L’aspect de Cayenne vue de la rade est des plus pittoresques. Ces montagnes accidentées et verdoyantes, ces bouquets de palmistes et de cocotiers qui s’enmêlent aux maisons, la façon des édifices, la bordure de palétuviers qui termine le panorama, tout cela réalise l’idée qu’on se fait d’une ville créole.

Frédéric Bouyer.

(La suite à la prochaine livraison.).



  1. En 1863, un phare à charpente de fer a été élevé sur l’Enfant perdu. C’est un excellent relèvement pour atterrir et entrer de nuit à Cayenne (voy. p. 281).