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prétendent avoir vu sous des traits de feu. Il habite le lac, dans une caverne de l’île Motutaiko ; c’est de là qu’il guette les canots, et quand il en aperçoit un, il s’élance tout à coup, fait jaillir l’eau à une grande hauteur ; il jette aussi de grosses pierres qui tombent sur les canots et les font chavirer. Il dévore tout ce qui se trouve à sa portée, et exerce son mauvais génie, non-seulement pendant le mauvais temps, mais souvent même au milieu de la plus belle journée.

Sur la côte orientale du lac sont des sources chaudes jaillissantes, que les indigènes désignent sous le nom de Puias, Ngawhas et Waiarikies. Je m’y rendis par la rive gauche du Waikato. En arrivant sur les hauteurs de Tehapua, nous eûmes une vue ravissante sur la vallée du fleuve, située bien au-dessous de nous, et du fond de laquelle s’élevaient de grands nuages de vapeur, indices des sources thermales, ou Puias d’Orakeikorako.

Geysers et sources thermales le long du Waikato. — D’après M. F. de Hochstetter.

Nous arrivâmes à midi au pah, qui se trouve sur une hauteur, à environ deux cents pieds au-dessus du Waikato. Comme des hostilités menaçaient d’éclater entre les indigènes du lac Taupo et quelques tribus plus septentrionales, on l’avait fortifié récemment. Les terrassements de la pente de la montagne, en face du Waikato, venaient d’être rétablis ; mais, à la place des palissades en fortes solives semblables à celles des anciens temps, on n’avait mis qu’une misérable clôture de minces branchages qui, bien qu’en rangs doubles et triples, étaient si faibles qu’on pouvait les renverser avec le secours seul de la main. C’était là un bien ridicule retranchement ; cependant les Maoris en faisaient beaucoup de cas dans tout le pays. Je fis dresser ma tente au milieu du pah, mais une pluie abondante inonda tout le sol et me força de chercher un asile dans la hutte du chef Hori. C’était le premier orage violent que nous eussions éprouvé depuis notre départ d’Auckland, et je dus me résigner à attendre la matinée suivante pour visiter les puias qui fument et bouillonnent à proximité du pah.

24 avril. Le temps s’était calmé dans la nuit ; le matin, un épais brouillard couvrait le Waikato, mais il se dissipa bientôt ; le soleil éclaira joyeusement la vallée, et alors quel spectacle ! Le Waikato, formant dans son cours rapides sur rapides, se précipite à travers une vallée étroite, profondément encaissée entre des montagnes escarpées. Ses eaux tournoient et écument autour de deux petites îles rocheuses placées au milieu de son lit, et pénètrent en mugissant dans la vallée. Sur ses