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« La concession française a pour garnison des marins débarqués et des malades du corps expéditionnaire ; la concession anglaise est également défendue par quelques troupes, mais ici, dans la concession américaine, nous sommes moins bien gardés ; cependant on a fait ce qu’on pouvait : les résidants européens se sont armés et ont formé une milice de cent cinquante hommes ; enfin on a élevé des barricades qui ferment l’abord des chaussées et des rues principales. La terreur est générale.

« À chaque instant on apprend de sinistres nouvelles de ces féroces pillards ; la population des villages environnants, surprise la nuit par des bandes de quinze à vingt hommes, et réveillée par la lueur des incendies qu’ils allument, se laisse égorger comme des troupeaux de moutons. Ils tuent tout sans pitié, les enfants, les femmes et les vieillards.

« Un de nos pères jésuites, surpris dans son église au milieu de ses néophytes, a été massacré par ces misérables avec une férocité inouïe, parce qu’il n’avait pu leur donner de l’argent pour se racheter.

« Ils martyrisent leurs victimes en détail à coups de couteaux et de lances, afin de leur extorquer leurs richesses ; puis, quand elles leur ont tout livré dans l’espoir de conserver la vie sauve, ils les achèvent.

« Les négociants ont fait revenir dans le port les bâtiments d’opium qui stationnent ordinairement à Wou-Soung ; de grands bateaux chinois, des sampans, sont amarrés devant les quais et devant chaque maison pour transporter en cas de besoin la population européenne sur le fleuve, sous la protection des canons des navires de guerre ; ceux-ci ont en dépôt, à leur bord, l’argent des banques, la vaisselle et les bijoux des particuliers.

« Toute cette agitation, ces préparatifs de défense ou de fuite, donnent un aspect singulier à la ville : l’accou-