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Le terrain étant donc acheté et la végétation écartée, les travaux commencent. On enlève la terre au sommet de la colline et on la transporte sur un chemin de fer qui, du milieu de Pompéi, par une pente qui épargne les frais de machine et de charbon, descend déjà bien loin au-delà de l’amphithéâtre et de la ville. Ainsi se résout la question la plus grave, celle des déblais. On en recouvrait autrefois les ruines, on en forma plus tard une montagne, on en construit maintenant le chemin de fer qui les emporte, et qui peut-être un jour les jettera dans la mer.

Le Forum. — Dessin de A. de Bar d’après une photographie.

« Rien de plus vivant que le travail des fouilles. Les hommes bêchent la terre, et des nuées de jeunes filles accourent, sans interruption, leur panier à la main (voy. p. 387). Ce sont d’alertes campagnardes racolées dans les villages voisins, la plupart ouvrières des fabriques fermées ou assoupies par l’envahissement des tissus anglais et par la hausse des cotons. Nul ne se fût douté que le libre échange et la guerre d’Amérique eussent fourni des ouvrières à Pompéi. Tout se tient maintenant dans le vaste monde. Elles accourent donc, remplissent leurs paniers de terre, de cendre et de lapillo, les chargent sur leur tête, avec l’aide des hommes, d’un seul mouvement vif et prompt et s’en vont ainsi, par groupes incessamment renouvelés, vers le chemin de fer, en se croisant avec leurs compagnes qui en reviennent. Très-pittoresques dans leurs haillons troués, aux vives couleurs, elles marchent à grands pas dans de longues jupes qui dessinent les mouvements de leurs jambes nues et qui tremblent au vent derrière elles, tandis que leurs bras, avec des gestes de canéphores, soutiennent sur leur tête la lourde charge qui ne les fait pas fléchir. Tout cela n’est point en désaccord avec les monuments qui apparaissent peu à peu sous la terre, à mesure que le sol s’abaisse. Si les visiteurs étrangers ne troublaient pas de loin en loin cette harmonie on se demanderait volontiers au milieu de ce paysage virgilien, parmi les festons de vignes, en face du Vésuve fumant, sous le ciel antique, si toutes ces filles laborieuses qui vont et viennent ne sont pas les esclaves de Pansa l’édile ou du duumvir Holconius. »



II

LE FORUM.

L’auberge de Diomède. — La niche de Minerve. — Aspect et monuments du Forum. — Le temple antique. — Les ex-voto des païens. — Le temple de Vénus. — La Basilique. — Le Forum reconstruit.

En débarquant à la station, déjeunez d’abord à la popina de Diomède : c’est une auberge contemporaine qui a pris un nom antique pour faire plaisir aux voyageurs. Vous y boirez du vin de Falerne fabriqué chez Scala, le chimiste napolitain, et si vous demandez quelque jentaculum à la romaine, on vous servira un bifteck aux pommes de terre. Vos forces restaurées, vous gravirez le coteau de cendres et de déblais qui vous cachent les ruines ; vous donnerez vos 2 francs au bureau et vous passerez par le tourniquet du contrôle, assez étonné de se trouver là. Ces formalités accomplies, vous n’avez plus rien de moderne à subir, si ce n’est la compagnie d’un guide, en uniforme militaire, qui vous escorte pour vous surveiller (surtout si vous appartenez au pays de lord Elgin), mais nullement pour vous rançonner. Des écriteaux vous défendent, dans toutes les langues connues, de lui offrir une obole. Vous entrez en pleine vie antique ; vous êtes libre comme un Pompéien.

La première chose qu’on aperçoit est une arcade et une niche de madone ; mais la niche contient une Minerve. Sous l’arcade, s’ouvrent de vastes magasins qui servaient probablement d’entrepôt. On entre dans une rue montante et pavée, on passe entre le temple de Vénus et la Basilique et l’on arrive au Forum. C’est ici qu’il faut s’arrêter.