bleaux. Les dames se tiennent assises et travaillent, entourées de leurs enfants, au milieu de ces jolis cabinets transparents d’où, sans qu’elles aient à se lever ni à se pencher, leur regard peut atteindre par trois fenêtres tout ce qui vient à se mouvoir dans la rue, de près ou de loin. L’ecke est, à mon gré, bien préférable au miroir hollandais qui saisit en traître l’image du passant pour l’emporter au fond d’un intérieur invisible. Les choses se passent plus aimablement à Nuremberg. On n’a pas l’air d’épier, on regarde loyalement : on voit, mais on est vue.
D’échauguette en échauguette, j’arrive à la place du Grand-Marché, devant l’église de la Vierge ou de Notre-Dame, la Frauenkirche, près de la haute fontaine pyramidale que j’avais entrevue le soir dans l’ombre.
Cette fontaine est un monument gothique haut de vingt mètres, œuvre renommée de l’art nurembergeois en son meilleur temps, c’est-à-dire vers le milieu du quatorzième siècle. Il faudrait être bien osé pour ne pas la regarder avec l’admiration la plus respectueuse : voilà cinq cents ans qu’on l’appelle la Belle-Fontaine (der schœne Brunnen) ! Elle a été construite de 1335 à 1361 par les frères Ruprecht, architectes, et sculptée par Sebald Schonhover. On l’a restaurée il y a vingt-cinq ou trente ans. Jadis elle était peinte et dorée : aujourd’hui elle a la couleur maussade du carton-pierre. Peut-être se rendrait-on moins bien compte du mérite des statuettes qui l’entourent, prophètes, héros et rois, si elles étaient revêtues d’or et de vives couleurs, mais l’ensem-