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bleaux. Les dames se tiennent assises et travaillent, entourées de leurs enfants, au milieu de ces jolis cabinets transparents d’où, sans qu’elles aient à se lever ni à se pencher, leur regard peut atteindre par trois fenêtres tout ce qui vient à se mouvoir dans la rue, de près ou de loin. L’ecke est, à mon gré, bien préférable au miroir hollandais qui saisit en traître l’image du passant pour l’emporter au fond d’un intérieur invisible. Les choses se passent plus aimablement à Nuremberg. On n’a pas l’air d’épier, on regarde loyalement : on voit, mais on est vue.




20 septembre.

D’échauguette en échauguette, j’arrive à la place du Grand-Marché, devant l’église de la Vierge ou de Notre-Dame, la Frauenkirche, près de la haute fontaine pyramidale que j’avais entrevue le soir dans l’ombre.

L’Homme aux oies, par Pankraz Labenwolf (1492-1563). — Dessin de Thérond d’après une photographie.

Cette fontaine est un monument gothique haut de vingt mètres, œuvre renommée de l’art nurembergeois en son meilleur temps, c’est-à-dire vers le milieu du quatorzième siècle. Il faudrait être bien osé pour ne pas la regarder avec l’admiration la plus respectueuse : voilà cinq cents ans qu’on l’appelle la Belle-Fontaine (der schœne Brunnen) ! Elle a été construite de 1335 à 1361 par les frères Ruprecht, architectes, et sculptée par Sebald Schonhover. On l’a restaurée il y a vingt-cinq ou trente ans. Jadis elle était peinte et dorée : aujourd’hui elle a la couleur maussade du carton-pierre. Peut-être se rendrait-on moins bien compte du mérite des statuettes qui l’entourent, prophètes, héros et rois, si elles étaient revêtues d’or et de vives couleurs, mais l’ensem-