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Chez Rumanika. — Le lever royal de la nouvelle lune. — Dessin de Émile Bayard.



LES SOURCES DU NIL, JOURNAL D’UN VOYAGE DE DÉCOUVERTES,

PAR LE CAPITAINE SPEKE[1].
1860-1863. — TRADUCTION INÉDITE. — DESSINS EXÉCUTÉS D’APRÈS LES ILLUSTRATIONS ORIGINALES DE L’ÉDITION ANGLAISE.


VIII


Le Karagué (suite).

3 décembre. — Rumanika est parti ce matin pour une montagne située au delà du « petit Windermere, » laquelle domine l’Ingézi-Kagéra, c’est-à-dire la rivière qui sépare le Kishakka du Karagué. J’ai manifesté le désir d’étudier à fond le système hydraulique des montagnes de la Lune, et mon hôte veut me montrer comment la Kitangulé s’alimente aux dépens de plusieurs petits lacs et de vastes marécages. Parti à la pointe du jour, il a pris la route de terre, mais il m’engage à le suivre en canot, et je trouve en effet, au bord du lac, mes embarcations déjà prêtes. Elles sont si petites, qu’en sus des deux rameurs, c’est à peine si deux personnes peuvent y trouver place. Nous nous frayons passage, avec plus ou moins de peine, à travers l’épaisse forêt de roseaux qui recouvre cette partie du lac ; mais une fois en pleine eau, nous jouissons d’un spectacle magnifique. Un épais gazon recouvre la croupe des monts qui nous entourent ; çà et là on voit des massifs d’acacias aux formes indécises et presque nuageuses, et sur un sol plus haut, par conséquent plus dans le lointain, quelques beaux arbres isolés, parmi lesquels se distingue, disséminé de part et d’autre, le gigantesque aloès médicinal. Arrivés dans le second lac, au pied de la montagne que nous devons explorer (la Moga-Namirinzi), un dernier coup de rame nous lance sur la plage où nous attendent plusieurs rangées de spectateurs respectueux, à la tête desquels est Nnanaji. Je débarque avec la gravité d’un souverain, au bruit d’une

  1. Suite. — Voy. pages 273, 289 et 305.