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aiguille, quichapi. papaye, tinti.
épine, queto. inga, inchipa.
hameçon, chagalunchi. ananas, chirianti.
arc, piaminchi. un, turati.
flèche, chacupi. deux, piteni.
sac trois, camiti.
(vêtement), tsagarinchi. quatre, maguani.
collier, carininquichiqui. cinq, maguarini.
bracelet, minguichinqui. veux-tu ? pinintiri.
grelot, neguichi. je veux, pinintaqui.
miroir, nigarunchi. quoi ? quiala.
amadou, chinquirunchi. comment
pot, cohiti. t’appelles-tu ? tayta pipayta biro.
assiette, nectiti. oui, siu.
couteau, inquiti. non, tira.
corbeille, chevita.


Le lendemain au point du jour, nous prîmes congé de notre hôte Quientipucarihua et nous nous embarquâmes avec les Chontaquiros. L’histoire du père Bruno que nous nous étions redite à l’oreille, avait singulièrement refroidi nos sympathies à l’égard de ces indigènes. Malgré leur gaieté bruyante et leurs avances amicales pour rompre la glace entre nous, nous nous tînmes sur la réserve et pendant la première journée, nous n’eûmes avec ces gens suspects que des rapports de simple politesse. Nos heures de repas et de halte furent avec eux les mêmes qu’avec les Antis. Entre onze heures et midi nous nous arrêtâmes sur une plage pour déjeuner ; puis au coucher du soleil nous débarquâmes pour dresser notre campement, préparer le souper commun et procéder à notre toilette nocturne.

Le second jour nous nous familiarisâmes un peu avec nos nouveaux compagnons, émerveillés que nous étions de leur adresse à manier la rame et la pagaye. Les embarcations obéissaient à leurs moindres gestes, comme un cheval de manége à la pression de main d’un habile écuyer. C’était des voltes, des passes, des virements suivis d’élans furieux et de brusques arrêts, dont on ne saurait se faire une idée. Ces indigènes semblaient soudés à nos pirogues comme des centaures à leurs chevaux et ne faire qu’un avec elles ; de leur côté, les pirogues devaient lire dans la pensée des Chontaquiros et prévoir leurs intentions, à en juger par la promptitude avec laquelle elles s’y conformaient.

Ajoupas provisoires d’Indiens Chontaquiros.

Le travail ou plutôt le jeu de ces maîtres rameurs, était accompagné d’exclamations bruyantes, d’éclats de rire et de pelletées d’eau que les pilotes de deux embarcations en passant à portée, s’envoyaient mutuellement au visage, sans souci de nous arroser de la tête aux pieds. Chacun de nous avait fini par prendre son parti de ces plaisanteries sauvages, que, d’ailleurs, il eût été difficile de réprimer. Seul, le comte de la Blanche-Épine, paraissait ne pouvoir s’y accoutumer, à en juger par l’éclair de colère qui brillait dans ses yeux, chaque fois que quelques gouttes d’eau atteignaient irrespectueusement sa personne. Cette colère chez lui était motivée par deux causes. D’abord par ce qu’il considérait comme une infraction à l’étiquette, que, dans son idée, tout homme, quelle que fût la couleur de sa peau, devait observer envers lui ; ensuite par une horreur des ablutions qu’il poussait jusqu’à l’hydrophobie. Si, durant le voyage, chacun put le voir polir et repolir obstinément ses ongles, comme un rimeur de l’école de Despréaux peut polir un sonnet, nul ne put se flatter de l’avoir aperçu lavant les mains dont ces ongles faisaient le plus bel ornement. On comprend maintenant l’horripilation de ce pauvre monsieur en se sentant mouillé par cette pluie intempestive.

Un second supplice plus cruel encore, auquel le condamnait la nature indisciplinée des Chontaquiros, c’était d’opérer entre lui et le chef de la commission péruvienne un rapprochement immédiat. Cet incident chaque fois qu’il se produisait, me faisait oublier pendant un moment les hasards de la traversée et les misères du voyage. J’ai dit déjà que nos pirogues voguaient le plus souvent séparées par une distance de deux à trois cents pas ; mais depuis que nous avions affaire aux