Page:Le Tour du monde - 09.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur bon plaisir. Ils adoptent un site ou l’abandonnent sans qu’un pouvoir ombrageux s’en inquiète. Comme la plupart des tribus américaines de notre connaissance, ils n’élisent de chef qu’en temps de guerre et pour marcher à l’ennemi.

Les femmes nubiles à douze ans, se marient avec le premier venu de leur nation qui les recherche et les obtient de leurs parents après un cadeau préalablement fait à ceux-ci. Elles préparent la nourriture de leur mari et maître, tissent ses vêtements, surveillent et récoltent les produits de la plantation de riz, de manioc, de maïs, etc., qu’il a défrichée, portent son bagage en voyage, le suivent à la guerre et ramassent les flèches qu’il a lancées, l’accompagnent à la chasse et à la pêche, rament dans sa pirogue et rapportent au logis le butin fait sur l’ennemi, le gibier pris ou le poisson pêché.

Malgré un travail de tous les instants, lot inévitable des femmes au désert, mais dont les maris savent s’exempter ou dont ils prennent à leur aise, l’existence ne paraît à ces malheureuses ni rude ni pesante. C’est en riant qu’elles portent au cou le collier de l’esclave et traînent le boulet attaché à leur pied.

Quelques jours avant le moment de ses couches, la femme, selon la coutume antique, abandonne le toit conjugal et va s’établir dans une hutte contiguë au logis ou édifiée à une courte distance. Là elle attend sans rien faire pour le hâter, le moment de sa délivrance. Si dans le voisinage, il se trouve des femmes, elles lui viennent en aide et lui apportent les aliments et l’eau dont elle peut avoir besoin. Mais le plus souvent la hutte est isolée de toute habitation, et celle qui l’occupe accomplit seule sa laborieuse tâche en vertu de l’axiome : Aide-toi, le ciel t’aidera. Il est rare que le ciel lui fasse défaut. Débarrassée de son fardeau elle boit une infusion de pommes de huitoch ou genipa, fait des ablutions avec l’eau noire et astringente de cette rubiacée et rentre enfin chez elle, apportant le nouveau-né à son époux. Celui-ci l’accueille par un sourire ou une moue selon que l’enfant est un garçon ou une fille. Pendant la durée des couches de sa femme, le mari est resté glorieusement couché sur une natte, fumant ou prisant du tabac vert, se chauffant tour à tour le dos ou le ventre, buvant de la chicha avec ses amis et sans s’inquiéter, au moins en apparence, de l’absence et des douleurs de sa compagne…

Chontaquiros en partie de pêche.

Les bureaux de nourrices étant inconnus chez ces indigènes, c’est la mère qui allaite et élève elle-même sa progéniture. Elle porte l’enfant soutenu par une large bande de coton, à cheval sur sa hanche ou à califourchon sur son dos et chargée de ce faix continue de vaquer à ses travaux domestiques ou de vagabonder le long des plages à la suite de son mari. À l’âge de cinq ans, l’enfant mâle reçoit les premières leçons de son père, qui lui apprend à nager, à tirer de l’arc, à compter jusqu’à cinq, puis au delà par duplication, et n’épargne rien pour en faire un homme accompli. L’éducation des filles appartient à la mère et comprend le tissage, la fabrication de la chicha et la cuisine nationale qui se compose d’un simple pot au feu, dérivé du chupé péruvien, mais considérablement simplifié.

La polygamie est un cas exceptionnel chez ces indigènes. Quelques huayris ou capitaines de la trempe de nos amis Simuco, Ituriminiqui-Santiago et Quientipucarihua ont de deux à cinq femmes ; mais nous le répétons, le cas est rare. Ce n’est pas que la moralité des Antis s’effarouche d’un chiffre plus ou moins élevé d’épouses, mais la rareté des vivres et la difficulté de s’en procurer dans une contrée en partie stérilisée par le voisinage des Andes, les oblige à ne prendre de femmes qu’autant qu’ils en peuvent nourrir.

Les médecins des Antis sont comme tous les gens de cette profession chez les peuples naturels, des charla-