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comme le répètent à satiété tous les voyageurs qui les ont visités, de se préserver de la piqûre des moustiques, — le moustique n’habite pas la région montueuse ou vivent les Antis[1]. — Le but de cet innocent maquillage, pour emprunter un de ses termes à l’argot des coulisses, but dont ils font mystère et dont ils rient lorsqu’on les interroge à ce sujet, c’est de rehausser par de vives couleurs les avantages naturels dont ils se croient doués. Cette persuasion et cette habitude, qu’on retrouve au reste chez les Mèdes, les Assyriens, les Babyloniens et autres nations primitives auxquelles les moustiques étaient inconnus ou qui ne s’en sont jamais plaints, sont partagées, comme nous l’avons dit ailleurs, par le beau sexe de Cuzco. Seulement, au lieu du noir opaque et du rouge violent accoutumé par les Antis, ces dames que les liens d’une parenté lointaine rattachent à nos indigènes, s’il faut en croire les plus franches d’entre elles, n’usent que du blanc d’œuf, de la poudre de riz et du rose tendre, et ce choix d’ingrédients légers et de nuances douces, constitue à lui seul un progrès évident, une véritable conquête de la civilisation sur la barbarie.

Armes et poteries des Indiens Antis.

Le vêtement de ces indigènes dont nos dessins offrent aux tailleurs et aux couturières un patron exact, se compose pour les deux sexes d’un sac-tunique (tsagarinchi), dérivé de l’uncu des Incas et de l’ichcahuepilli des anciens Mexicains. Ce sac est tissé par les femmes ainsi que la

  1. Dans la vallée de Santa-Ana, à partir de la région où commence la culture du cacao, jusqu’au delà de Chahuaris, voltige une petite mouche à longues ailes, dont la piqûre est insignifiante et qui, d’ailleurs, ne pique que pendant les heures les plus chaudes de la journée : elle disparaît au coucher du soleil. Une mouche à peine visible, succède à celle-ci, depuis les premiers rapides de la rivière jusqu’à Tunkini, et comme elle, s’évanouit avec le jour. Au delà de Tunkini, sur la limite du territoire des Antis et des Chontaquiros, on trouve deux variétés de moustiques lilliputiens, dont la piqûre est assez aiguë, mais que les approches de la nuit font disparaître également. C’est seulement au seuil du territoire des Conibos, qu’apparaît pour la première fois le monstrum horrendum du genre, l’infernal zancudo, que les Brésiliens appellent carapana, et dont on compte chez eux sept variétés. La grosseur du zancudo, quand il est repu, égale celle d’un grain de blé. Il pique le jour et la nuit ; il perce le drap le plus épais et brave le vent, la pluie et la fumée. Toutes ces espèces, comme l’a observé excellemment le savant Humboldt, sont confinées dans certaines régions qu’elles ne franchissent jamais. J’ajouterai que ces régions sont si nettement délimitées, qu’une lieue en deçà du territoire