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répondu que c’était une femme ! c’est un argument sans réplique en Chine : Ky-tsin est un Chinois de vieille roche, et ne transige pas avec ses convictions.

« Il y a un an quand les troupes alliées occupèrent Tien-Tsin, on le trouva seul dans une maison que ses propriétaires avaient abandonnée : des officiers européens vinrent y loger, et Ky-tsin se fit de lui-même le domestique du cuisinier français, chargé de l’ordinaire. En quelques mois il devint plus habile que son professeur qu’il remplaça.

« J’en ai hérité avec la maison, et j’y tiens beaucoup parce qu’il est propre et honnête, deux qualités rares chez un Chinois.

Le fauconnier chinois. — Dessin de E. Bayard d’après un croquis de M. Trèves, lieutenant de vaisseau.

« Il m’a appris depuis peu qu’il avait ses femmes et ses enfants à Toung-Tcheou : je lui aidonné congé pour aller les voir, et comme je lui demandais à son retour s’il avait été content de son voyage, il se mit à pleurer, en me parlant de ses fils qu’il avaient trouvés grandis et bien portants et pour lesquels, disait-il, il voulait travailler jusqu’à son dernier souffle. — Et tes femmes, lui demandai-je ? — Les femmes, me répondit-il dans son français barbare, et avec un air de mépris souverain, pas bon, pas bon, bambou ! bambou !

« Ainsi, le bâton, voilà le seul argument que les Chinois connaissent à l’usage du sexe faible.

« Ne faut-il pas voir dans ce mépris pour les femmes, malheureusement si répandu dans toutes les classes, la cause dominante de la démoralisation et de la dégénérescence de ce grand empire chinois !

« Nous avons beaucoup de mendiants ici : ils sont d’une audace et d’une persistance insupportables ; surtout un vieil aveugle qui se tient obstinément à la porte du consulat, et qui, chaque fois que je sors ou que je rentre, me joue avec fureur la reine Hortense ou la