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autels de Neith, patronne d’Esneh, divinité primordiale et féconde, mère, femme et fille d’Ammon. On voit encore, au centre de la ville, au bas d’une pente bordée de momies et de bandelettes, le beau pronaos du temple de Neith, transformé en grenier à blé. Élevées par les Romains sur des ruines très-antiques, les différentes parties de l’édifice sont revêtues de mauvaises sculptures ; mais les lignes solennelles des architraves, les proportions grandioses des vingt-quatre hautes colonnes, n’ont rien à envier aux chefs-d’œuvre de Karnak et de Médinet.

Nous passons sans nous arrêter devant les pylônes imposants d’Edfou, tant nous avons hâte de voir Assouan et la cataracte. Le vent est bon ; le Nil se resserre entre des roches escarpées dont les fentes nourrissent une végétation rabougrie. Sur les buissons, des multitudes de petits oiseaux ressemblaient à des fruits attachés aux branches. Effrayés de notre passage ils s’élevèrent en l’air avec le bruit de la vapeur qui s’échappe ; le ciel était obscurci, l’ombre des volées se dessinait sur l’eau en larges taches. Quelques coups de fusil en abattirent plusieurs centaines qui tombaient dans le Nil comme des grêlons. Notre cuisinier s’occupa de repêcher ce menu gibier qui fut trouvé excellent. Mais des mérites plus sérieux recommandent le détroit et les rochers de Silcilis ; les pharaons y ont creusé des carrières fameuses, d’où est sorti tout le peuple des colosses et des obélisques de la haute Égypte. Les galeries profondes ont été sanctifiées par des représentations hiératiques et des inscriptions religieuses ; une roche de forme bizarre, à peu près faite comme un haut champignon, se dresse près de nous. C’est là, dit-on, que s’attachait une forte chaîne, destinée à fermer le pays aux invasions éthiopiennes.

Com-Ombos.

Nous passons. Dans le clair de lune, apparaît sur nos têtes le temple de Com-Ombos, le seul qui soit à la fois attaqué par le Nil et le sable. Nous sommes obligés d’attendre le jour près du beau village d’Elganeh, qui rit parmi les doums et les mimosas ; les arbres poussent jusque dans l’eau. Une journée entière et une nuit encore nous séparent d’Assouan ; les vents, les rochers, le fleuve retardent notre marche. Au milieu des villages réfugiés dans leurs anses escarpées, palpitant à l’aspect des grosses pierres, sentinelles avancées des chutes et des rapides, nous avançons avec précaution et lenteur. La végétation semble venir au-devant de nous d’île en île ; à notre droite s’allonge la verte Eléphantine, couverte de ruines presque invisibles, fabuleux pays de ces ichtyophages qui servirent à Cambyse d’ambassadeurs en Éthiopie ; enfin pendant le courant impétueux, nous entrons dans le canal qui mène au port d’Assouan, l’antique Syène et la reine des cataractes.