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Vue de l’embouchure du Rio-Nunez. — Dessin de Sabatier d’après M. Lambert.


VOYAGE DANS LE FOUTA-DJALON,

EXÉCUTÉ D’APRÈS LES ORDRES DU COLONEL FAIDHERBE, GOUVERNEUR DU SÉNÉGAL,
PAR M. LAMBERT,
Lieutenant d’infanterie de marine.
TEXTE ET DESSINS INÉDITS COMMUNIQUÉS PAR LE MINISTÈRE DE LA MARINE ET DES COLONIES.
1860


Le Fouta-Djalon. — Arrivée au Rio-Nunez. — Ce qu’est cette rivière. — Peuplades de ses bords. — Leurs mœurs et leurs coutumes. — Départ pour l’intérieur. — Mon prédécesseur Caillé.

Deux ans de séjour au Sénégal, plusieurs expéditions de guerre, et quelques explorations heureusement terminées venaient tout à la fois de m’acclimater au ciel et au sol africains et de surexciter en moi le goût inné des voyages lointains, lorsque, au commencement de 1860, M. le colonel Faidherbe, auquel notre colonie sénégalaise et la géographie des contrées voisines sont redevables de tant d’améliorations, voulut bien me confier une mission auprès des chefs du Fouta-Djalon.

Cette région montagneuse, qui termine non loin de l’Atlantique la longue ligne de reliefs orographiques nés sur les bords de la mer Rouge et dont on peut suivre les vastes sinuosités à travers toute l’Afrique, entre le 12° parallèle nord et l’équateur, est digne, à de nombreux points de vue, de fixer l’attention des géographes, des ethnologues et des économistes. De son plateau central s’épanchent, comme d’un réservoir commun, vers les quatre aires de l’horizon, les sources du Niger, du Sénégal et de vingt autres cours d’eau, artères de vie et de fécondité entre ce dernier fleuve et Sierra-Leone : son sol granitique nourrit la population la plus forte, la mieux douée de l’Afrique occidentale, et la plus ouverte au souffle de la civilisation. Enfin c’est à travers ses défilés que le commerce européen du littoral trouvera la route la plus directe et la plus sûre pour atteindre les marchés du haut Niger et de ce Soudan vers lequel, depuis près d’un siècle, il tend à s’ouvrir des chemins.

Parti de Saint-Louis le 20 février 1860, avec le contre-maître de la marine sénégalaise Cocagne et le tirailleur indigène Koly-Coumba, qui composaient toute ma suite, le premier comme interprète, le second comme valet de chambre et cuisinier, je débarquai le 1er mars devant la factorerie du Bel-Air, à l’embouchure du Rio-Nunez, où je devais organiser une petite caravane et recueillir d’utiles renseignements sur les pays que j’allais traverser. Ces soins préliminaires accomplis, je me rendis à Kakandy, où je reçus de notre compatriote M. Sonlon l’accueil cordial dont m’avaient déjà comblé les autres négociants du Rio-Nunez.

Ce cours d’eau, qui figure sur toutes les cartes comme un fleuve descendant du Fouta-Djalon, n’est en réalité qu’un étroit bras de mer, s’avançant dans les terres jusqu’à Kakandy, et ne recevant, un peu en amont de ce point, qu’un très-faible ruisseau : le Tiquilenta, issu de la première rangée de collines de l’intérieur. Du reste, rien n’est beau comme la navigation de cette espèce de fiord depuis l’Océan, rien n’est riche comme la végétation de ses bords et séduisant d’aspect comme les factoreries qu’y ont élevées nos compatriotes. Vittoria, Rapax, Kakandy, ne demandent, pour devenir de véritables établissements coloniaux, qu’un peu de sécurité à l’endroit des tribus noires qui les entourent, et qu’un peu de protection contre leurs avanies. Kakandy surtout est un des sites les plus favorisés que j’aie jamais vus. Bâti