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Tu nous apparais, ô Mort, vierge et mère,
     Effroi des humains,
Le divin laurier sur la tête altière
     Et la lyre aux mains.

Nous reconnaissons, courbés sur la terre.
Que c’est la splendeur de ta face austère
Qui dore la nuit de nos longs malheurs ;
Que la vie ailée aux mille couleurs,
     Dont tu n’es que l’âme,
Refait par tes mains les cieux et les fleurs,
     La rose et la femme.

Lune constante ! astre ami des douleurs
Qui luis à travers la brume des pleurs !
Quelle flamme au fond de ta clarté molle
Éclate et rougit, nouvelle auréole.
     Ton doux front voilé ?
Quelle étoile, ouvrant ses ailes, s’envole
     Du ciel étoile ?

Pleurant ce rayon de jour qu’on lui vole,
L’homme exècre en vain la mort triste et folle ;
Mais l’astre qui fut à nos yeux si beau
Là-haut, loin d’ici, dans un ciel nouveau
     Plein d’autres étoiles.
Se lève, et pour lui la nuit du tombeau
     Entr’ouvre ses voiles.