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LE TRIOMPHE DE LA MORT





I.


Tant et si bien chanté par la mélancolie,
Campo-Santo, peuplé des rêves d’Orgagna !
Nous aimons, sur leur fresque impunément vieillie,
Les trois cercueils royaux que le maître aligna.

L’un des morts a gardé la ressemblance humaine,
Mais verdi, boursouflé de putrides ferments;
Le second, un fouillis où le ver se promène ;
Le troisième n’est plus qu’un ramas d’ossements.

Des dames, des seigneurs, en longue cavalcade,
D’hermine revêtus, frisés et bien nourris,
Les faucons et les chiens complétant la parade.
Trouvent, au pied d’un mont, ces effrayants débris.

Là-haut, tout près du ciel, exemples salutaires
Du calme reconquis dans les austérités.
Le peintre nous fait voir deux pauvres solitaires ;
La belette et la grue errent à leurs côtés.