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Française, « un cercle Proudhon », parce que les gens de l’Action Française ont trouvé chez Proudhon des arguments, des matériaux pour défendre leurs idées conservatrices. Beaucoup pensent — ce n’est pas tout à fait exact — que Proudhon était un grand conservateur méconnu. Comme disait un de ses biographes bourgeois, il ne lui manquait. qu’une seule chose : être membre de l’Académie. L’Académie n’a pas voulu de lui. Ceci est injuste, mais il y a tout de même des raisons extrêmement sérieuses pour justifier, en partie, cette sympathie des conservateurs pour Proudhon.

Pour vous prouver qu’il ne s’agit pas, pour moi, d’une polémique — qui serait mal venue ici — je vais vous lire l’opinion de Bakounine lui-même, qui considérait Proudhon comme son ami, son maître.

« Proudhon, malgré tous les efforts qu’il a fait pour secouer les traditions de l’idéalisme classique, n’en est pas moins resté toute sa vie un idéaliste incorrigible, s’inspirant, tantôt de la Bible, tantôt du droit romain, et métaphysicien jusqu’au bout des ongles. Son grand malheur est de n’avoir jamais étudié les sciences naturelles, et de ne pas s’en être approprié la méthode. Il a eu des instincts de génie qui lui avaient fait entrevoir la voie juste, mais, entraîné par les mauvaises habitudes idéalistes de son esprit, il retombait toujours dans ses vieilles erreurs ; ce qui fait que Proudhon a été une contradiction perpétuelle, un génie vigoureux, un penseur révolutionnaire se débattant toujours contre les fantômes de l’idéalisme et n’étant jamais parvenu à se vaincre. »

C’est cité dans la biographie de Bakounine par Nettlau, qui malheureusement n’a pas été publiée faute de ressources. Elle se trouve à la Bibliothèque Nationale.

Voilà, camarades, la première partie de mon exposé. Vous voyez que, malgré tout, Proudhon fut un penseur remarquable et que nous avons tout profit à l’étudier.