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par cela même il déclare que l’Etat est une institution de classe. Et comme nous voulons la suppression des classes, il s’ensuit qu’avec la suppression des classes l’Etat de classe doit disparaître. Et Marx reprend la formule de Saint-Simon : A la place de l’Etat, nous mettrons l’administration des choses. Ce ne seront pas les hommes qui seront gouvernés par d’autres hommes. Ce sont les choses publiques, la production, par exemple, qui sera administrée par des compétences, c’est-à-dire par des ouvriers, des spécialistes. Et lorsque le grand disciple de Marx, le grand chef de la révolution communiste, Lénine, a inauguré le Conseil économique de Moscou, il a déclaré textuellement : Nous, commissaires du peuple, nous, gouvernement communiste, nous devons finir par disparaître, en cédant la place à vous, Conseil Economique, parce lorsque l’existence de la société communiste, sera assurée, il n’y aura pas besoin de pouvoir politique. Il n’y aura que l’administration économique.

Ce qui nous sépare des anarchistes — de Proudhon, de Bakounine, de Kropotkine — c’est que nous ne prenons pas, nous communistes, l’absence de gouvernement politique comme point de départ, mais comme point d’arrivée. Nous ne confondons pas le but avec le chemin à parcourir. Un chirurgien qui a pour but la santé, la joie, le bien-être d’un homme est obligé souvent d’employer un moyen qui semble en contradiction avec son but, c’est-à-dire d’accomplir une opération souvent douloureuse, de couper un membre gangrené. Est-ce contradictoire ? Son but est-il de procurer de la souffrance à son patient ? Non, c’est un simple moyen pour débarrasser le malade d’une source de souffrance perpétuelle. Si nous appliquons les méthodes coercitives, la contrainte, en un mot : la dictature, qui est le devoir le plus cruel, il faut dire la vérité, car la dictature, c’est la forme de contrainte la plus barbare — c’est parce qu’il n’y a pas d’autre moyen pour se débarrasser de la dictature-éternelle, du privilège, de l’exploitation du producteur par la classe capitaliste.

II faut dire tout de suite que Proudhon — c’était son habitude — s’est contredit, même sur ses points fondamentaux. A la fin de sa vie, il a fait un livre sur la propriété