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Le mémoire tout entier doit être lu par chaque propagandiste, Mais il est rare. Il faudra le rééditer pour la propagande.

Dans le même ouvrage, Proudhon ne se contente pas de critiquer la propriété privée. Il critique encore le gouvernement, non pas tel ou tel gouvernement, mais le gouvernement comme tel, ce qui a permis de dire que Proudhon est le père de l’anarchie :

« Quelle forme de gouvernement allons-nous préférer ? — Eh ! pouvez-vous le demander ? répond sans doute quelqu’un de nos plus jeunes lecteurs ; vous êtes républicain. — Républicain, oui ; mais, ce mot ne précise rien. Res publica, c’est la chose publique ; or, quiconque veut la chose publique, sous quelque forme de gouvernement que ce soit, peut se dire républicain. Les rois aussi sont républicains. — Eh bien ! vous êtes démocrate ? — Non. — Quoi ! vous seriez monarchiste ? — Non. — Constitutionnel ? — Dieu m’en garde. — Vous êtes donc aristocrate ? — Point du tout. — Vous voulez un gouvernement mixte ? — Encore moins. — Qu’êtes-vous donc ? — Je suis anarchiste !

« — Je vous entends : vous faites de la satire ; ceci est à l’adresse du gouvernement. — En aucune façon : vous venez d’entendre ma profession de foi sérieuse et mûrement réfléchie ; quoique très ami de l’ordre, je suis, dans toute la force du terme, anarchiste ».

Anarchie, c’est-à-dire, non pas absence de principe, de règle, mais absence de l’exploitation de l’homme par l’homme, à l’aide du principe de l’autorité.

Il faut dire tout de suite — puisque nous prononçons pour la première fois ici ce mot « anarchie » — que les communistes n’en sont pas effrayés. Les anarchistes représentent souvent Karl Marx comme le fondateur du socialisme autoritaire. Or, Marx a donné l’argument le plus sérieux, le plus formidable, contre l’Etat, contre le gouvernement de l’homme par l’homme, contre l’exploitation politique de l’être humain par un autre être humain. Quand Marx déclare que l’Etat, tout Etat, n’est qu’un conseil d’administration d’une classe dominante, assurant les intérêts de la classe dominante, assurant l’oppression d’une autre classe,