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Morholt avait tendu à son mât une voile de riche pourpre, et le premier il aborda dans l’île. Il attachait sa barque au rivage, quand Tristan, touchant terre à son tour, repoussa du pied la sienne vers la mer.

« Vassal, que fais-tu ? dit le Morholt, et pourquoi n’as-tu pas retenu comme moi ta barque par une amarre ?

— Vassal, à quoi bon ? répondit Tristan. L’un de nous deux reviendra seul vivant d’ici : une seule barque ne lui suffit-elle pas ? »

Et tous deux, s’excitant au combat par des paroles outrageuses, s’enfoncèrent dans l’île.

Nul ne vit l’âpre bataille, mais par trois fois, il sembla que la brise de mer portait au rivage un cri furieux. Alors, en signe de deuil, les femmes battaient leurs paumes en chœur, et les compagnons du Morholt, massés à l’écart devant leurs tentes, riaient. Enfin, vers l’heure de none, on vit au loin se tendre la voile de pour-