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— Pourtant, dame, je l’ai vu, à telles enseignes que j’ai pris l’un de ses chevaux. Voyez-le tout harnaché, là-bas, sur l’aire. »

Mais Bleheri vit Iseut courroucée. Il en eut deuil, car il aimait Tristan et la reine. Il la quitta, regrettant d’avoir parlé.

Alors, Iseut pleura et dit : « Malheureuse ! j’ai trop vécu, puisque j’ai vu le jour où Tristan me raille et me honnit ! Jadis, conjuré par mon nom, quel ennemi n’aurait-il pas affronté ? Il est hardi de son corps : s’il a fui devant Bleheri, s’il n’a pas daigné s’arrêter au nom de son amie, ah ! c’est que l’autre Iseut le possède ! Pourquoi est-il revenu ? Il m’avait trahie, il a voulu me honnir par surcroît ! N’avait-il pas assez de mes tourments anciens ? Qu’il s’en retourne donc, honni à son tour, vers Iseut aux Blanches Mains ! »

Elle appela Perinis le Fidèle, et lui redit les nouvelles que Bleheri lui avait portées. Elle ajouta :

« Ami, cherche Tristan sur la route aban-