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À force de rames, les barques de Cornouailles approchaient. Quand elles furent près d’atterrir, Iseut demanda aux chevaliers qui l’entouraient :

« Seigneurs, comment pourrais-je atteindre la terre ferme, sans souiller mes longs vêtements dans cette fange ? Il faudrait qu’un passeur vînt m’aider. »

L’un des chevaliers héla le pèlerin :

« Ami, retrousse ta chape, descends dans l’eau et porte la reine, si pourtant tu ne crains pas, cassé comme je te vois, de fléchir à mi-route. »

L’homme prit la reine dans ses bras. Elle lui dit tout bas : « Ami ! » Puis, tout bas encore : « Laisse-toi choir sur le sable. »

Parvenu au rivage, il trébucha et tomba, tenant la reine pressée entre ses bras. Écuyers et mariniers, saisissant les rames et les gaffes, pourchassaient le pauvre hère.

« Laissez-le, dit la reine ; sans doute un long pèlerinage l’avait affaibli. »

Et détachant un fermail d’or fin, elle le jeta au pèlerin.